Impressions : NieR: Automata

Presque tout dans NieR laissait penser que l’idée d’en voir un jour une suite était une folie. Et pourtant, malgré ses lourdes imperfections, nous avons eu de la chance : il est devenu un jeu culte. C’est qu’il y avait quelque chose de trop singulier et de trop marquant dans NieR pour qu’il passe inaperçu. Sept ans plus tard, Square Enix nous propose dans un élan de générosité la suite tant attendue, NieR: Automata. À quelques semaines de sa sortie occidentale, j’ai pu jouer aux premières heures, et je l’attends désormais avec d’autant plus d’impatience.

Sur le papier, et depuis son annonce à l’E3 2015, NieR: Automata est un rêve. Square Enix a aligné une superbe liste de talents, qu’ils aient contribué à la grandeur du premier NieR (l’inénarrable réalisateur Tarô Yokoo, bien sûr, mais aussi le compositeur Keiichi Okabe et son équipe) ou qu’ils fassent leurs débuts dans la désormais série (l’illustrateur Akihiko Yoshida que les fans de FF connaissent bien). Mais ce qui a le plus attiré l’attention, c’est bien sûr l’identité du studio qui s’occupe du développement : PlatinumGames, qui signe là sa toute première collaboration avec le grand éditeur et qui laisse espérer que ce ne sera pas la dernière. Experts du gameplay s’il en est, les concepteurs de PlatinumGames apportent ce qui manquait certainement à NieR et à l’autre série chapeautée par Yokoo, Drakengard, à savoir une excellente maîtrise technique. D’emblée, Automata tourne en 60 IPS et les contrôles sont d’une fluidité et d’une réactivité remarquables.

Le game design est signé Takahisa Taura, qui a précédemment travaillé sur Metal Gear Rising, et cela se ressent immédiatement dans le dynamisme et la vitesse de jeu. De fait, Automata se détache totalement de l’approche plus « lourde » de NieR pour proposer un système purement action d’une efficacité redoutable. Pour le joueur, cela requiert forcément une bonne maîtrise de l’enchaînement des attaques et des esquives et une observation fine du comportement des ennemis, mais cela est toujours récompensé par d’impressionnantes actions. Bien sûr, il existe tout de même un mode facile, qui ne se contente d’ailleurs pas de réduire la puissance des ennemis, puisqu’il propose également une fonction permettant de laisser littéralement l’héroïne attaquer et esquiver seule. Une abomination, sans doute, pour les gamers de la race supérieure, mais une attention réellement bienvenue pour tous les joueurs qui veulent apprécier cet univers fascinant sans craindre les limites de leurs propres réflexes.

Dans ce cadre maîtrisé, l’univers post-apocalyptique du jeu peut se déployer de toutes ses forces. D’emblée, NieR: Automata ne semble entretenir aucun lien concret avec le premier NieR et peut donc être considéré comme un tout nouveau jeu plutôt qu’une suite, même s’il y a fort à parier que des références bien plus claires interviendront plus tard dans l’aventure. Les premières heures d’Automata esquissent une intrigue étrange dans laquelle les êtres humains brillent par leur absence : chassés de la Terre par l’invasion de machines venues d’ailleurs, ils sont réfugiés sur la Lune, d’où ils envoient des androïdes pour tenter de combattre l’ennemi. Des machines contre des machines, en quelque sorte. Mais dès le début du jeu, chaque camp révèle qu’il aspire à cet humain qui ne se montre pas : les androïdes, et notamment l’héroïne 2B, découvrent les sentiments qui leur sont pourtant proscrits, tandis que les robots envahisseurs se mettent à imiter le comportement ceux qu’ils ont chassé. Difficile de ne pas vouloir savoir où cela va bien mener l’histoire.

Après une introduction correspondant à la démo jouable déjà disponible, puis un bref passage dans la base spatiale d’où les androïdes sont déployés, le jeu nous plonge dans une grande zone ouverte dont la partie centrale est une ville moderne en ruines, peuplée uniquement de quelques robots et d’animaux sauvages (ces derniers qu’il est possible de chevaucher en les attirant avec un appât). Plutôt vide au premier abord, cet environnement promet au moins d’héberger un certain nombre de quêtes secondaires diverses et variées ; mais bien peu sont encore disponibles au tout début. La ville débouche en réalité sans temps de chargement sur des zones périphériques plus variées, dont un vaste désert qui est la destination suivante du scénario, et qui est d’emblée bien plus dynamique en termes d’exploration et de combats. Et d’intrigue, en découvrant le mystérieux manège des machines dans les profondeurs des grands immeubles engloutis par les sables.

Alors que l’univers de NieR: Automata se fait de plus en plus fascinant au fil de ces premières heures, et que le système de combat est d’une prise en main immédiate, l’un des principaux défauts de son concepteur PlatinumGames se fait déjà ressentir : les prouesses de gameplay se font ainsi au détriment de l’environnement graphique, terne et peu détaillé, rappelant par exemple Metal Gear Rising… quand bien même nous sommes cette fois-ci sur PS4 ! En guise de stylisation, les décors sont assez facilement noyés dans des filtres de couleur sans contrastes, et accompagnés d’effets de lumière sommaires. Mais heureusement, comme c’était le cas dans le premier NieR, l’ambiance en pâtit finalement peu. Les personnages d’Akihiko Yoshida sont comme toujours d’une grande élégance, et les ennemis mécaniques qui parsèment le monde rappellent immédiatement l’esthétique rétrofuturiste de l’épisode précédent. Cette fois-ci, nulle question d’ailleurs de versions Gestalt ou Replicant selon les régions du monde : Automata n’arbore aucun signe d’occidentalisation forcée.

Dans une démarche de filiation similaire, PlatinumGames s’est également empressé de reprendre les différentes propositions de gameplay qui faisaient l’originalité de NieR, puisque le nouveau jeu offre par exemple une séquence de shoot ’em up aérienne en guise de scène d’ouverture ; il y en a d’autres encore par la suite. Plus loin, les ennemis crachent une nouvelle fois des rangées entières d’orbes pourpres à la manière d’un danmaku, les angles de caméra volages viennent ponctuellement imiter les jeux d’action ou de plateforme en 2D, et le mini jeu de pêche fait son grand retour. Cela apporte une diversité bienvenue, mais il faut espérer qu’Automata ira au-delà de cette simple copie des idées de son prédécesseur. Car en l’état, en termes d’expérience de jeu pure et en dehors de l’efficacité de l’action des combats, cette première démonstration n’apporte rien de très nouveau par rapport à lui.

L’autre domaine dans lequel l’identification à l’univers de NieR est immédiate est évidemment celui de la bande originale. Mais cette fois-ci, c’est avec un immense plaisir qu’on l’accueille, car Automata renoue instantanément avec la sensation si marquante et si merveilleuse d’être enveloppé dans un cocon de musique onirique. Les thèmes amples et délicats se fondent dans l’action à merveille, dans un mouvement ininterrompu où les couches instrumentales se superposent naturellement, et des chants surgissent régulièrement dans les différents morceaux avec un sens du timing épatant. Les voix sont bien sûr familières, avec notamment le retour d’Emi Evans et de Nami Nakagawa, mais il y a aussi de nouvelles venues, par exemple dans le thème lancinant des ruines du désert. Il y a fort à parier que cette B.O. d’ores et déjà splendide, qui compense bien volontiers les graphismes dépouillés, jouera un rôle considérable dans la réussite stylistique de NieR: Automata.

Les premières heures de NieR: Automata sont une main tendue vers un jeu très prometteur, et surtout une proposition d’univers que Square Enix se doit absolument de cultiver. Les ingrédients pour produire une œuvre aussi mémorable que le premier NieR sont là, enrobés dans un système de jeu plus abouti. L’arrivée de cette suite inattendue constitue qui plus est un signe positif envoyé par l’éditeur après des années difficiles, mais il faut espérer que cette apparente faveur ne débouche pas sur un titre manquant cruellement de budget sur la longueur, comme c’est arrivé à Star Ocean 5 avant lui.

NieR: Automata sera disponible le 10 mars 2017 sur PlayStation 4 en Europe, traduit en français avec le choix des doublages japonais ou anglais. Il est également prévu sur PC ultérieurement.