Compte rendu : Uncovered Final Fantasy XV

Mercredi 30 mars 2016, le monde de Final Fantasy avait les yeux tournés vers Los Angeles. Square Enix, désireux de fêter comme il se doit la fin prochaine d’une dizaine d’années d’attente, avait convié plusieurs milliers de personnes, développeurs, partenaires commerciaux, journalistes, fans, à une cérémonie intitulée Uncovered: Final Fantasy XV, avec pour but avoué de « tout révéler ». À commencer par la date de sortie tant désirée. Un événement auquel FFWorld a eu la chance de participer aux côtés des sites FF Dream et Finaland pour représenter la communauté française, à l’invitation généreuse de Square Enix France. Voici mes impressions.

Au moment de pénétrer dans le Shrine Auditorium, un immense bâtiment de style faussement arabisant, l’excitation est palpable. À l’entrée réservée aux VIP, quelques personnalités sont là, notamment des acteurs majeurs de FFXV tels que Takeshi Nozue (réalisateur des cinématiques) ou Shinji Hashimoto (producteur). Dans la gigantesque salle de 6000 places, on entrevoit même Phil Spencer (directeur de la marque Xbox) et Atsushi Morita (PDG de la branche Japon et Asie de Sony Computer Entertainment). Square Enix a invité du beau monde, preuve s’il en faut de l’importance d’Uncovered. Les beaux noms n’allaient pas s’arrêter là, et alors que la cérémonie commençait à 19 heures pétantes, l’homme grâce à qui nous étions tous là s’avança sur scène pour lancer les festivités.

C’était bien lui : Hironobu Sakaguchi, le créateur de Final Fantasy, venu exprimer son soutien à Hajime Tabata et FFXV. Mais plus que celui d’Uncovered, Sakaguchi sonna le coup d’envoi de la petite musique d’un marketing outrancier qui ne lui ressemble guère. En guise d’encouragement, le créateur de la série nous assurait que le nouvel épisode allait « redonner à Final Fantasy sa nature de « challenger » », avant de nous inviter à voir « comment Final Fantasy a redécouvert sa vraie nature ». D’étranges sous-entendus jouant une fois de plus sur la thématique du sauvetage de Final Fantasy… séduisante, peut-être, pour le premier venu qui croit bel et bien que la série est morte, mais d’un très mauvais goût pour quiconque pense que le mépris du passé ne garantit en rien un avenir fécond.

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À quoi Sakaguchi faisait-il référence exactement ? Nous ne le saurons pas, même s’il est facile de le deviner. En étant vague, on fait rêver tous les déçus, même ceux qui ignorent qu’ils le sont. Le plus ironique, c’est que si FFXV a des choses à prouver, c’est bien qu’il mérite toujours d’exister après la longue errance de Versus. Beaucoup sont encore sceptiques à son sujet, et la faute ne revient certainement pas uniquement aux épisodes qui sont venus avant lui. Square Enix s’est mis dans cette situation tout seul. On ne sait pas à quel point ils ont forcé la main à Sakaguchi pour qu’il tienne ce bas discours, mais il sonnait creux. L’éditeur n’envoyait là qu’un cri gênant de désespoir, un appel à la crédibilité, à l’approbation du créateur respecté. L’humilité est incompatible avec la promotion à grande échelle. Était-ce là le seul moyen de démontrer sa combativité ?

Peu de temps après, c’est Nobuo Uematsu qui se pliait à l’exercice de l’encouragement avec un message vidéo lapidaire et peu naturel dans lequel il n’eut pas même un mot pour Yôko Shimomura. La compositrice de FFXV, bien que présente dans la salle, ne fut de toute façon pas du tout mise en avant lors d’Uncovered, ce qui est fort dommage. Quelle ironie que l’homme qui n’a rien fait sur le jeu puisse parler en lieu et place de la femme à qui nous devrons réellement cette nouvelle bande originale. Tout cela pour obtenir à tout prix et à bout de bras la bénédiction des pères fondateurs.

Quinze fois XV

La soirée Uncovered allait être trop belle pour se laisser abattre par ces fausses notes, d’autant que ces déclarations ne servaient évidemment qu’à galvaniser une salle qui, dans le feu de l’action, était prête à applaudir sans broncher de telles idées simplistes. La courte intervention de Hironobu Sakaguchi n’était que le premier des quinze temps forts de cette cérémonie, qui avait bien plus à proposer encore, et ce à un rythme effréné. Cliquez ci-dessous pour tout savoir.

Résumé : les 15 temps forts d’Uncovered: Final Fantasy XV

uncovered04Greg Miller et Tim Gettys

S’il y a bien une chose que l’on ne peut pas reprocher aux Américains, c’est qu’ils savent faire le show. Le duo formé par Tim Gettys et Greg Miller, épaulé par la voix de bande-annonce américaine du comédien Dave Fennoy, a offert un mélange efficace de révélations, d’humour et de dérision, le tout sans aucun temps mort. On en finit par se demander comment on a pu survivre aux Active Time Reports, mais toutes les présentations ne peuvent évidemment pas être aussi bien rodées. Pendant un événement aussi réjouissant à vivre, et d’autant plus quand on se trouve dans la salle entre fans, le cerveau fait forcément le tri dans l’avalanche des nouveautés. Des images fixes restent en tête, les plans les plus stupéfiants des bandes-annonces et les visuels les plus esthétiquement inouïs. Plus tard, quand le calme est revenu, l’esprit reposé peut commencer à mettre tout cela à plat.

Final Fantasy XV, présent mais toujours si mystérieux

Hajime Tabata nous avait promis qu’Uncovered permettrait de mieux comprendre quel type de jeu estFFXV. Au sortir de l’événement, je pensais qu’il s’était peut-être un peu avancé. Il a effectivement « tout révélé » de « l’univers Final Fantasy XV » en termes de projets parallèles, mais ce qu’ont montré les différentes vidéos du jeu en lui-même était dans la continuité de tout ce que nous connaissions déjà. Ce qui, d’une certaine manière, est rassurant. Et si, finalement, il fallait bien y trouver les pistes de ce que sera le jeu ? Car FFXV nous promet plus que jamais un road trip entre quatre amis au milieu de vastes espaces naturels, que ce soit lors de virées en voiture en écoutant des musiques des anciens Final Fantasy à la radio, à dos de chocobo, ou tout simplement à pied pour partir combattre la faune hostile.

FFXV : les nouvelles images et informations d’Uncovered

Il est rare qu’un jeu, surtout une aussi grande production, puisse promettre une expérience de voyage virtuel dont les graphismes seraient suffisamment évocateurs pour constituer une aventure en soi. Mais si FFXV s’y tient, il sera finalement fidèle à la série. Tout particulièrement depuis FFX, les FF sont des « expériences » plus que des histoires, et ce choix de direction fait que l’on peut s’attendre à chaque fois à une façon unique d’appréhender l’aire de jeu qui nous est proposée. C’est sans doute parce qu’il était une « expérience » jusqu’au-boutiste que FFXIII a autant divisé les joueurs. Mais son concept n’était pas si différent du pèlerinage que proposait en son temps FFX, qui lui-même voulait donner un cadre palpable et réaliste à l’exploration plus décousue de ses prédécesseurs. Cette fois-ci, FFXV prend le contrepied de la linéarité pour proposer un monde immense.

La nouvelle vidéo « World of Wonder » projetée lors d’Uncovered n’est sans doute pas celle qui a le plus marqué les spectateurs, pourtant elle portait ce qui sera certainement l’une des bases de l’expérience sensorielle promise par FFXV. Il était inévitable que la décision de créer un monde ouvert débouche sur la présence écrasante des environnements, bien que ceux du jeu aient jusque-là fait preuve d’une sobriété sans doute déroutante pour un FF. Mais avec sa plongée dans un univers au réalisme saisissant, fait de paysages urbains ou naturels à perte de vue, cette vidéo était un véritable émerveillement. Et le rappel qu’il est toujours aussi jubilatoire de s’apprêter à entrer dans un monde nouveau.

La place occupée par l’histoire reste la dernière grande inconnue. À l’issue d’Uncovered, c’est sur ce point tout particulièrement que FFXV a encore beaucoup à prouver. Certes, Hajime Tabata a promis que sous couvert de « monde ouvert », il resterait guidé par son scénario. Mais il faut dire qu’une autre inquiétude s’est levée cette fois-ci : celle que Square Enix s’égare en multipliant les projets autour d’un jeu encore inaccessible et dont le succès reste évidemment à juger. La série animée Brotherhood et surtout le film Kingsglaive sont-ils le résultat de la dilution de l’histoire contenue dans le jeu ? Soit, l’équipe de développement les conçoit comme des portes d’entrées vers lui et comme des moyens de se familiariser avec son monde et ses personnages. C’est une marque de confiance et de générosité, certes, mais c’est tout autant un risque car il est difficile de savoir si la sauce prendra.

Brotherhood, le parent pauvre

Au premier abord, l’annonce d’une série animation inspirée de FFXV est étonnante, car si la « fantaisie basée sur la réalité » semble parfaitement appropriée dans le cas d’un film en images de synthèse comme Kingsglaive, un animé dans un cadre typiquement japonais paraît en décalage avec cet univers. Pourtant, le sujet de Brotherhood dissipe vite cette impression, car les quatre héros se prêtent finalement très bien à cette esthétique. L’alchimie fonctionne plutôt bien dans le premier épisode, déjà disponible, mais pour l’instant, la série ne propose pas beaucoup plus. Elle est heureusement distribuée gratuitement, ce qui constitue en soi une main tendue positive de la part de l’équipe de Tabata. Les quatre prochains épisodes permettront de vérifier si Brotherhood apporte réellement quelque chose au projet dans son ensemble.

Brotherhood FFXV : les origines et l’avenir de la diffusion

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Kingsglaive, à la conquête d’Hollywood ?

Kingsglaive est sans doute l’une des annonces les plus réjouissantes d’Uncovered. Depuis FFVII Advent Children, lui-même un très beau cadeau en son temps, tous les fans de la série ont sûrement un jour pensé qu’un nouveau film en images de synthèse inspiré de Final Fantasy serait une excellente idée. FFXV se prête plutôt bien à cette nouvelle tentative : depuis l’époque de Versus XIII, nous avons pu baver sur plus d’une bande-annonce cinématique spectaculaire, au point de constater les percées technologiques de Visual Works au fil des ans. Mais pour beaucoup, FFXV semble s’être désolidarisé de l’esthétique entretenue par les vidéos de Versus, même si ce dernier devait déjà être un road trip en son temps (il ne l’avait simplement que peu montré). Qu’à cela ne tienne, Kingsglaive ressuscite l’ambiance de complots et de trahisons dans une ville moderne mêlant gratte-ciel tokyoïtes et architectures opulentes à l’européenne. Mais en plus beau que jamais.

Kingsglaive FFXV : la genèse du nouveau film Final Fantasy

Par rapport au jeu, le film s’est d’ailleurs occidentalisé, à commencer par le design de ses personnages. Luna, pour ne citer qu’elle, est presque méconnaissable ; pourtant ses deux versions ont chacune leur charme. Mais avant tout, le doublage anglais piochant dans un choix de comédiens emblématiques des œuvres cultes des jeunes de la génération 2000 jusqu’à aujourd’hui (du Seigneur des Anneaux à Game of Thrones et Breaking Bad) est un clin d’œil appuyé à un public connaissant peu ou pas du tout Final Fantasy. Advent Children était certainement abscons pour un spectateur extérieur, alors on peut espérer que les apparences plus accessibles de Kingsglaive permettront de mieux montrer au monde le talent incroyable de Square Enix pour les images de synthèse photoréalistes.

Seulement, quelle place et quelle légitimité Kingsglaive aura-t-il à côté de FFXV ? Contrairement à ce qui avait été pressenti, l’intrigue du film se déroule à peu près en même temps que le début du jeu, ce qui conduit forcément à se demander s’il ne lui a pas dérobé un pan de scénario. Tabata ayant admis que l’introduction du jeu avait changé par rapport à ce qui était prévu à l’époque de Versus, cela semble plus que probable. Et même s’il a promis que le jeu aura un final le plus mémorable possible, ce choix aura-t-il un impact négatif sur la trame de FFXV ? La psychologie de Regis et de Luna sera-t-elle mieux compréhensible à condition d’avoir regardé le film ? L’objet Kingsglaive pose de nombreuses questions, auxquelles nous ne pourrons répondre qu’après le 30 septembre. À défaut d’être satisfaisant en tant qu’œuvre complète, le film sera au moins une merveille visuelle, comme en atteste le premier teaser.

La dernière ligne droite

Uncovered: Final Fantasy XV était une cérémonie riche, trop riche peut-être, tant l’avalanche d’annonces a forcément tendance à diluer l’impact de chacune d’elles. C’est pourtant bien une grande réussite pour Square Enix, qui est parvenu à démontrer que Final Fantasy XV est absolument majeur à ses yeux et que les années de retenue cachaient en fait une ambitieuse entreprise. Des doutes subsistent encore, notamment sur le potentiel du jeu en lui-même. Mais la confiance de Hajime Tabata, aussi insolente soit-elle, donne forcément envie de croire que le résultat sera digne de l’héritage de la série. Car toute la série a de la valeur, et il ne faudrait pas que les qualités de FFXV soient prises en otage par une communication agressive qui, pour se donner une légitimité, veut convaincre le tout-venant que Final Fantasy tout entier revient de l’enfer.

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Le réalisateur l’a dit plus d’une fois : il ne compte pas donner de suites à FFXV, en tout cas pas dans l’immédiat car son prochain jeu sera un titre totalement inédit. Ainsi, lorsqu’il parle de « maximiser » ce quinzième épisode à travers les projets dévoilés à Uncovered, qui sortiront à peu près en même temps, c’est en fait pour que FFXV arrive d’emblée avec toutes les cartouches dont il pourra disposer en l’état. Quand bien même cet « univers de Final Fantasy XV » paraît improvisé, et finalement un peu artificiel, le diptyque composé par le jeu et Kingsglaive semble d’ores et déjà suffisamment essentiel pour apprécier la substance de cette nouvelle aventure. Que le 30 septembre arrive le plus vite possible !

Un grand merci à Idir et Tristan de Square Enix France pour cette invitation !
Photographies : FFWorld, Square Enix