Éditorial : remake et avertissements

La poussière s’est dissipée et nous pouvons enfin recommencer à y voir clair. L’annonce du remake de Final Fantasy VII est un choc d’autant plus monumental qu’elle est totalement inattendue, quand Square Enix a passé tant d’années à expliquer qu’un tel projet n’était pas envisageable. Alors devant cette magnifique cinématique révélant Midgar sous un jour complètement nouveau, on ne peut que ressentir un torrent d’émotions contradictoires.

Tout cela ne serait sans doute jamais arrivé sans cette démo technologique de l’E3 2005. Cette vidéo qui devait uniquement prouver la puissance de la PlayStation 3 à peine annoncée est devenue le creuset de ce qui allait devenir une pénible ritournelle : le rêve que Final Fantasy VII soit un jour refait de cette façon. « Le remake ». Des années de rengaine plus tard, Square Enix a finalement capitulé, au risque de procéder à une révélation beaucoup trop précoce. Sous l’apparence excitante d’un nouveau jeu dont la première cinématique est absolument magnifique, c’est pourtant bien un titre déjà existant qui nous revient, là où personne ne peut nier qu’il est toujours bien plus sain de découvrir des œuvres entièrement inédites. Le tout est de simplement savoir à quoi s’attendre.

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Car Square Enix a choisi de faire un « remake intégral », formulation présente dans le premier communiqué de presse de l’éditeur. Le message est donc clair : le jeu sera très différent. Alors s’imaginer déjà qu’il procurera exactement les mêmes émotions que l’original, ou qu’il sera strictement identique mais simplement beaucoup plus beau, est un espoir extrêmement risqué. Bien que l’annonce du jeu soit encore chiche en détails, il paraît d’ores et déjà évident qu’il ne s’agira pas d’un remake « plan par plan » comme on le voit dans la démo technologique de 2005. Si vous faites déjà dans votre tête l’inventaire de vos scènes favorites, en bavant d’envie devant l’idée de leur future nouvelle apparence, méfiez-vous. Rien ne dit qu’elles ne seront pas profondément bouleversées, ou que certains passages ne seront pas sacrifiés pour s’accorder aux nouvelles idées des créateurs.

C’est que le pari de Square Enix est très risqué, et on peut saluer leur effort de chercher à refaire intégralement un jeu, au lieu d’aller au plus simple. Seulement voilà : chaque fois que les développeurs dévoileront un nouvel élément, il sera minutieusement analysé et comparé au matériau d’origine, toujours ramené à la source et jamais considéré pour ce qu’il apporte de nouveau ou de différent. Ce retour à la réalité pourrait être douloureux, mais un jeu est le produit de son temps. On n’en développe pas en 2015 comme on le faisait en 1996, et ses créateurs ne sont pas figés dans le temps : on ne peut pas attendre de Tetsuya Nomura et de Kazushige Nojima qu’ils aient envie de faire exactement la même chose qu’il y a vingt ans. Les projets de la compilation de FFVII ont déjà démontré qu’ils sont prêts à changer d’optique et chambouler les certitudes établies par l’épisode emblématique.

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Épargnons-nous des années de pleurnicheries en admettant d’emblée que le remake rêvé n’existe pas. Celui de Final Fantasy VII fera de nombreux choix qui le différencieront du jeu d’origine pour en faire un titre actuel, car chaque déclinaison d’une œuvre est une nouvelle interprétation. Porté par Nomura, Kitase et Nojima, ce jeu sera certainement passionnant, mais développé par une équipe nouvelle et motivé par vingt années de recul, il sera autre. Je sais, cela fait beaucoup d’avertissements peu plaisants au lendemain de la grande nouvelle. Et j’en ai un dernier : le remake ne sortira sans doute pas avant très longtemps. Alors d’ici là, nous aurons tout le temps de nous plonger dans Final Fantasy XV, l’épisode qui incarne l’avenir réel de la série, terriblement ambitieux et d’ores et déjà magnifique.

Il y a de la place pour tous les projets, mais quel message enverrons-nous aux développeurs si nous balayons du bras un épisode pleinement nouveau pour n’acclamer qu’une résurgence du passé ?