Éditorial : un monde qui s’éteint

Ce troisième éditorial est consacré à ce qui est sans doute le fait du mois dans l’actualité deFinal Fantasy, la mort du premier Final Fantasy XIV. Après deux ans d’activité, l’épisode qui a connu le plus de déboires prépare sa résurrection… Comme les fois précédentes, vous pouvez réagir à cet article en m’envoyant un message.

Le dimanche 11 novembre au petit matin, Eorzéa a été détruite par la chute de Dalamud, la lune arrachée au ciel par la technologie magitech de l’empire de Garlemald et par la détermination malsaine du général Nael Van Darnus. Lorsque Dalamud a enfin pénétré le ciel de la région de Mor Dhona et que sa carapace rouge de sang s’est fendue, le dragon géant Bahamut a été révélé, noyant le monde sous sa terrifiante magie. Toute la force et le courage des aventuriers d’Eorzéa ne pouvait plus rien contre ce déchaînement de violence et Final Fantasy XIV tel que nous le connaissions jusque-là s’est éteint. Que l’on y ait joué ou non, impossible de ne pas frissonner devant le combat magnifique et désespéré que nous présente la dernière cinématique du jeu, publiée par Square Enix juste après la coupure des serveurs. Le dernier sourire de Louisoix en dit long sur l’espoir porté par l’avenir du jeu.

Car bien sûr, Final Fantasy XIV reviendra l’année prochaine dans sa nouvelle version, A Realm Reborn. Ce final en forme d’apothéose dramatique n’est autre que la manière romancée trouvée par les développeurs pour marquer la conclusion de cette première version tant critiquée à sa sortie. La nouvelle Eorzéa conservera sa géographie générale mais arborera une topographie entièrement revisitée. Ainsi, on peut dire qu’avec FFXIV 1.0, c’est la première fois qu’un monde de Final Fantasy disparaît. Les serveurs ont bien été relancés il y a quelques jours, mais une fois cette courte respiration coupée, il ne sera plus possible de visiter ce monde sous cette forme. C’est vrai, c’est pour le bien fondé du jeu, mais tout de même. Pour qui a passé deux ans sur cette version, on ne peut pas la quitter sans au moins un pincement au cœur. Ce premier univers était presque innocent dans l’échec du jeu. Oui, il était sûrement trop vaste et pas assez varié pour être digne d’un MMORPG ambitieux comme voulait l’être FFXIV. Mais son charme et sa beauté existaient bel et bien.

Cet événement pose la question de la mémoire d’un monde virtuel. Quelle trace allons-nous garder de l’ancienne Eorzéa ? Car malgré son nom, un univers persistant de MMORPG ne dure jamais éternellement. Cette question me taraudait déjà quand je jouais à Final Fantasy XI, car je craignais l’idée que ce monde que j’avais tant aimé disparaisse un jour. En fin de compte, Vana’diel aura survécu à la première Eorzéa et la machine continue à tourner avec une discrétion efficace. Une nouvelle extension est même prévue. Mais je continuerai à me demander comment nous pourrons garder un accès vers cet univers, même si Square Enix nous le retire. Heureusement, la solution existe déjà, bien qu’elle soit loin d’être officielle. Certains joueurs ont conçu des programmes permettant de visualiser librement les décors de FFXI à partir des fichiers du jeu installés sur son ordinateur. Cela a même permis la découverte de zones inutilisées.

Dans le cas de la première Eorzéa, à défaut de mettre le nez soi-même dans les fichiers du jeu, il suffit de se rendre sur YouTube pour découvrir que des joueurs ont entrepris de documenter les différents environnements bien avant l’arrêt des serveurs. « Pour se souvenir de comment était Eorzéa avant que l’enfer ne s’y abatte », explique même le commentaire de cette jolie vidéo montée comme un vrai petit voyage. Dans un genre plus long mais en HD et avec les vraies musiques du jeu, vous trouverez cette autre vidéo hommage. Plus longues encore, il y a les vidéos d’adieu telles que celle-ci à La Noscea, où le joueur parcourt tout simplement chaque zone de FFXIV à pied pendant des dizaines de minutes. Plus soucieux de notre temps disponible, certains aventuriers se contentent de nous faire découvrir de modestes particularités. Dans tous les cas, même ceux qui n’ont jamais joué à FFXIV ne peuvent pas ne pas avouer au moins une once de curiosité devant ce vrai univers de Final Fantasy.

Je me sens parfois un peu seul quand j’affirme l’importance écrasante de la direction artistique des environnements dans mon appréciation d’un jeu vidéo, alors ce genre de vidéo me rassure beaucoup. Fera-t-on un jour des documentaires de voyages dans les mondes des jeux comme on peut en faire dans les plus beaux coins de notre propre Terre, simplement pour le plaisir de la contemplation, de l’ailleurs ? Si je sais que je ne trouverais pas cela déplacé, je reste naturellement conscient que les développeurs imaginent sans doute leur création comme faisant partie d’un tout. Il ne faudrait juste pas que tant d’efforts individuels soient négligés ou oubliés. Surtout pas quand on a pris le temps de s’y attacher.

Toutes ces considérations mises à part, les aperçus que nous avons pu avoir de la nouvelle Eorzéa indiquent que le monde a été reconstitué avec succès, au moins en termes d’ambiance. Que ce soit la ville de Gridania ou la forêt de Sombrelinceul, l’univers semble à la fois beau et varié, avec un accompagnement musical paisible. Vivement les visites du désert de Thanalan, des falaises de La Noscea ou des montagnes alpines de Coerthas !