Qui est Kazutoyo Maehiro, le directeur créatif de Final Fantasy XVI ?

Certains développeurs de jeux vidéo sont connus pour une unique spécialité : écriture de scénario, illustration, conception de systèmes de combat… D’autres, en revanche, sont de tels touche-à-tout qu’on peine à cerner les contours de leurs compétences. Sur ce point, Kazutoyo Maehiro fait figure d’exemple. S’il serait possible de résumer son rôle à celui d’un « planificateur », équivalent japonais de ce que les studios occidentaux appellent game designer, ce serait négliger l’étonnante polyvalence dont il a fait preuve tout au long de sa carrière de plus de vingt-cinq ans chez Square Enix, de la création des niveaux de Vagrant Story jusqu’à l’écriture du scénario de la refonte de Final Fantasy XIV, en passant par la direction des combats de Final Fantasy XII – le tout, sans oublier un talent inouï pour le pixel art.

Kazutoyo Maehiro

En résumé…

  • DynamiTracer (1996) : assistant concepteur
  • Final Fantasy Tactics (1997) : planificateur de la section « romans interactifs »
  • Vagrant Story (2000) : directeur et planificateur des décors
  • PlayOnline (2002) : directeur de la planification
  • Final Fantasy Tactics Advance (2003) : planificateur des quêtes
  • Final Fantasy XII (2006) : concepteur en chef des combats
  • Final Fantasy Tactics A2: Grimoire of the Rift (2007) : remerciements
  • The Last Remnant (2008) : directeur des combats
  • Bloodmasque (2013) : histoire
  • Final Fantasy XIV A Realm Reborn (2013) : scénariste en chef
  • Final Fantasy XIV Heavensward (2015) : scénariste en chef et superviseur des événements
  • Final Fantasy XIV Stormblood (2017) : superviseur du développement
  • Final Fantasy XIV Shadowbringers (2019) : remerciements
  • Final Fantasy XVI (2023) : directeur créatif et scénariste original

Joueur de longue date, passionné d’ambiances de dark fantasy et de vieux jeux de rôle nord-américains tels que la série Wizardry, Maehiro est aujourd’hui le directeur créatif et scénariste original de Final Fantasy XVI. Cela fait de lui la troisième tête pensante du nouvel épisode derrière son producteur Naoki Yoshida et son réalisateur Hiroshi Takai – un trio qui unit ses forces depuis plus d’une dizaine d’années, mais qui trouve enfin dans ce titre très attendu l’occasion de donner corps à ses aspirations.

Nous en sommes encore bien loin quand, au milieu des années 1990, Kazutoyo Maehiro intègre Square, à une époque où la société recherche activement de jeunes recrues pour accompagner son expansion. L’éditeur cultive un fort esprit d’initiative chez ses développeurs, y compris les nouveaux venus : au lieu d’être placés en renfort sur des titres chapeautés par des vétérans, ils sont directement lancés sur des petits projets inédits afin d’apprendre sur le tas. Maehiro fait ainsi ses premières armes en 1995 en tant qu’assistant concepteur sur le jeu narratif DynamiTracer pour Satellaview, un module de téléchargement par satellite pour la Super Nintendo. Sous la direction de Hiroki Chiba (Chrono Trigger), il est accompagné de deux autres jeunes talents, Jun Akiyama et Takayuki Suguro, qu’il retrouvera sur quelques-uns de ses projets suivants, à commencer par Final Fantasy Tactics.


Final Fantasy Tactics et Tactics Advance

Au même moment que le développement de Final Fantasy VI bat son plein, Hironobu Sakaguchi cultive l’idée de créer un épisode parallèle de la grande série qui adopterait un système de jeu tactique. Le projet ne démarre cependant que fin 1995, quand une recrue récente de Square, Yasumi Matsuno, propose de le réaliser. Ce dernier y voit certainement une opportunité en or, lui qui vient de quitter le studio Quest après avoir créé Tactics Ogre: Let Us Cling Together sur Super Nintendo. Embarquant avec lui quelques fidèles collègues, dont l’illustrateur Akihiko Yoshida et le graphiste Hiroshi Minagawa, et recevant le soutien du game designer Hiroyuki Itô connu pour avoir créé le système Active Time Battle de FFIV, Matsuno s’apprête à signer le désormais fameux Final Fantasy Tactics.

Si Kazutoyo Maehiro trouve sa place dans la petite équipe ainsi assemblée, sa principale contribution est en réalité presque inconnue en dehors du Japon, et pour cause : elle est tout simplement absente de l’édition américaine ! Dans sa version japonaise d’origine, le jeu renferme en effet quatre mini-jeux textuels à déverrouiller en obtenant des reliques lors de quêtes secondaires. S’inscrivant dans le genre typiquement nippon du sound novel (roman sonore), ils relatent des histoires totalement indépendantes de l’intrigue principale de FF Tactics, et se présentent sous une forme assez proche des livres dont vous êtes le héros.

Maehiro est le réalisateur et le designer de chacun d’eux, et a également participé à la conception des images fixes qui accompagnent le récit. Mais il écrit aussi lui-même deux d’entre eux : « Nanai’s Histories » et « Mesa’s Musings » (ou « Fantasy Magi-ence Story », tel qu’écrit dans le mini-jeu lui-même). Les deux autres, « Enavia Chronicles » et « Oeilvert » (incorrectement traduit en « Wyuvle », puis « Veil of Wiyu » dans les versions anglaises), sont signés Nobuyuki Inoue. Yasumi Matsuno lui-même aurait dû écrire quelques histoires, avant d’y renoncer faute de temps.

Malheureusement, les sound novels sont tout aussi absentes des versions occidentales du portage sur PSP, The War of the Lions (2007), ce qui signifie que le meilleur moyen de connaître ces mystérieux bonus consiste à lire la traduction non officielle en anglais de trois d’entre eux, réalisée par Mark Rosa.

Quelques années plus tard, en 2002, Square renoue finalement avec Nintendo après une longue période de froid et choisit de produire un nouveau Final Fantasy Tactics sur GameBoy Advance. Ainsi sera-t-il logiquement intitulé Final Fantasy Tactics Advance. Kazutoyo Maehiro, bien qu’il travaille déjà sur FFXII comme nous le verrons ensuite, est nommé planificateur des quêtes aux côtés de Shûtarô Yokoyama. Il dirige tout particulièrement la création du système de missions de clan du jeu, qu’il conçoit comme une extension des quêtes des tavernes de Tactics. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que, interrogé par le site officiel du jeu sur le métier qu’il ferait s’il se trouvait catapulté en Ivalice, Maehiro réponde : « J’aimerais être tavernier, pour pouvoir discuter de tout un tas de choses avec les membres du clan. »


Vagrant Story

Après la sortie de Final Fantasy Tactics, la direction de Square donne carte blanche à Yasumi Matsuno. Si, trop heureux de compter enfin un jeu tactique dans son catalogue, Hironobu Sakaguchi souhaite voir une suite de Tactics, Matsuno et son équipe préfèrent opter pour un titre totalement nouveau : Vagrant Story. Cela n’empêche d’ailleurs pas le lancement d’un authentique projet de Final Fantasy Tactics 2, endossé par Sakaguchi lui-même, avec l’idée d’en confier le développement à un prestataire externe. Mais, trop occupé par ses aventures ambitieuses à Hawaii (dont FFIX et le film Les Créatures de l’esprit), il finit par demander à Matsuno d’en reprendre la supervision, jusqu’à ce que le projet soit finalement abandonné.

Le champ est donc libre pour ce qui sera l’une des perles du catalogue de Square sur la première PlayStation. Impressionnés comme tant d’autres par l’expérience cinématographique de Metal Gear Solid, lancé en 1998, les concepteurs de Vagrant Story souhaitent repousser à leur tour les limites des graphismes en 3D sur la console, avec la certitude que cette technologie sera de toute façon incontournable sur la nouvelle génération qui arrive à grands pas.

Désormais membre éminent du « groupe Matsuno », Kazutoyo Maehiro est étonnamment nommé directeur de la planification des environnements de Vagrant Story, un rôle en rupture notable avec celui qu’il avait occupé précédemment. Dans le guide Ultimania du jeu, Matsuno décrit les fonctions de Maehiro en ces termes : « Il est chargé de la planification de la carte et de la gestion de la progression. C’est lui qui a créé la structure complexe des donjons et les énigmes à base de caisses. Pour lui, les mots “méchanceté” et “difficulté” sont des compliments. »

Désireux de créer une ambiance pesante et mystérieuse qui évoque les vieux épisodes de la série de jeux de rôle américaine Wizardry, qui ont bercé sa jeunesse de joueur, Maehiro imagine un rythme mêlant phases d’action et d’énigmes à l’intérieur de donjons obscurs, presque labyrinthiques. À la lumière de la remarque de Matsuno, il n’est d’ailleurs pas étonnant d’apprendre que les énigmes du jeu étaient initialement bien plus retorses. Dans le but de mieux doser la difficulté, Maehiro et ses collègues choisissent d’établir un critère décisif, qu’il décrit dans le même guide Ultimania : « L’un des membres de notre équipe est très mauvais en énigmes, alors s’il n’arrivait pas à les résoudre au bout de cinq essais, nous les refaisions. »

Tout en étant directeur des environnements, le créateur n’en a pas moins des histoires à raconter, bien que bon nombre de joueurs soient sans doute passés à côté. C’est en effet à lui que l’on doit les noms des différentes salles du jeu, dont le caractère souvent énigmatique dans les versions localisées vient du fait que les traducteurs ont été contraints de raccourcir la teneur initiale, faute de place à l’écran. Par exemple, la section dite « Vestiges de conquêtes » des murailles nord se nomme-t-elle « La salle où demeurent les traces de l’assaut des barbares » dans sa langue d’origine, ce qui donne une image bien plus claire de ce qui a pu s’y dérouler ! Dans l’esprit de Maehiro, lire les intitulés dans l’ordre permet de retracer le récit d’un jeune garçon qui, au fil des batailles, s’engage sur la voie de la chevalerie.

S’agit-il d’une fioriture inutile, dans un jeu à l’intrigue centrale déjà fort aboutie ? Certainement pas ! Caractéristique des productions de l’équipe de Matsuno, ce soin du détail génère une richesse insoupçonnée qu’un joueur pressé aura tôt fait d’ignorer, mais qui contribue absolument à l’enthousiasme du passionné. Dès Final Fantasy Tactics, d’ailleurs, divers textes d’arrière-plan (des descriptions d’objets, par exemple) sont écrits de la main de Maehiro. Cette conception de l’arrière-plan d’un jeu se prolongera dans FFXII.


PlayOnline

Certes, encore faut-il que les jeux se prêtent à une telle profondeur sous-jacente. Lancé au Japon en février 2000, Vagrant Story est l’un des derniers jeux de l’âge d’or de Square sur la première PlayStation, après quoi l’essentiel du studio s’est réparti entre le développement des épisodes de Final Fantasy à venir et de la plateforme en ligne PlayOnline. Cette dernière doit non seulement centraliser les futurs jeux en ligne de l’éditeur, dont le MMORPG FFXI, mais aussi proposer une multitude de services connectés : écoute de musique, lecture de mangas, actualités sportives, etc. Elle constitue alors le fer de lance d’une nouvelle stratégie multimédia de Square, dont on peut juger aujourd’hui qu’elle était certainement trop en avance sur son temps.

Lancée en l’an 2000, la conception de PlayOnline est assurée par une partie de l’ex-équipe de Final Fantasy Tactics et Vagrant Story, sous les ordres ni plus ni moins de Yasumi Matsuno et du programmeur Taku Murata. Kazuyoto Maehiro, de son côté, est nommé directeur de la planification. Sauf qu’ici, nulle question de game design, car il s’agit uniquement de donner corps à une grande interface virtuelle, ergonomique et non ludique.

Mais l’aventure est risquée. Couplé au chantier démesurément coûteux du film Final Fantasy, PlayOnline plonge Square dans une situation financière précaire, entraînant le départ de plusieurs pontes – dont Sakaguchi lui-même. Au fil des mois, les ambitions de la grande plateforme seront peu à peu rognées pour ne plus proposer qu’un simple module de lancement de FFXI et du mini-jeu Tetra Master, tout juste accompagné d’un système de messagerie entre joueurs. C’est au moment où commencent les tests bêta de PlayOnline et de FFXI, en décembre 2001, que Maehiro prend congé de ce projet, car il est appelé sur un autre, autrement plus emblématique…


Final Fantasy XII

La rupture des barrières

Kazuyoto Maehiro intègre l’équipe de Final Fantasy XII alors que le projet est en cours depuis environ un an. Le jeu est réalisé conjointement par Yasumi Matsuno et Hiroyuki Itô, à nouveau associés après leur collaboration fructueuse pour FF Tactics, et il doit alors s’agir d’un RPG dans la droite lignée de la série, où l’exploration et les combats se déroulent sur des écrans séparés par une transition nette. Pourtant, les créateurs sentent que cette formule s’épuise, en particulier à cause des chargements réguliers induits par ce format.

Dès son arrivée, Maehiro planche ainsi avec Matsuno et Itô sur une transformation radicale : un tout nouveau système sans transition, qui sera finalement nommé Active Dimension Battle (ADB) en référence à l’Active Time Battle précisément inventé par Itô pour FFIV, dix ans plus tôt. Mais l’ambitieux procédé constituera un casse-tête pour toute l’équipe, principalement en termes techniques à cause de la mémoire limitée de la PlayStation 2, et jouera un rôle notable dans le long retard accusé par le jeu avant son lancement japonais. Maehiro lui-même admet avoir beaucoup douté en cours de route, au point de devoir régulièrement se reconvaincre de la pertinence de leur démarche.

Beaucoup ont pensé que cette rupture avait été inspirée par Final Fantasy XI, qui – du fait de sa nature de MMORPG – fut le premier à ne plus séparer totalement exploration et combat. C’est en partie vrai, bien que dans l’esprit de Maehiro, l’apport de FFXI était surtout la démonstration qu’une autre voie était possible. Entre d’autres termes, il prouvait qu’une tradition bien établie pouvait être brisée pour les besoins d’une approche donnée. Maehiro se justifie ainsi dans le guide FFXII Battle Ultimania : « Nous avons fini par choisir un style de jeu qui ressemblait à FFXI, mais ce dernier n’était pas la base de ce système. C’était simplement l’une des raisons qui nous ont poussés à adopter l’ADB. »

Il n’empêche que les créateurs de FFXII ont puisé diverses inspirations chez leur prédécesseur direct. Hiroyuki Itô admet volontiers avoir développé les gambits (des instructions prédéfinies qui permettent d’automatiser les actions des personnages) dans le but de recréer l’impression de se battre en groupe avec d’autres joueurs en ligne. Le système a fait l’objet d’innombrables moutures avant d’atteindre la forme présente dans le jeu définitif.

Quant à lui, Kazutoyo Maehiro affirme que la présence de personnages non jouables neutres sur le champ de bataille, signalés par leur barre de vie verte, est tirée de sa propre expérience : « Quand j’ai commencé à jouer à FFXI, j’étais très heureux quand un inconnu lançait un sort de soutien sur moi. J’ai donc pensé que l’ADB pouvait proposer une telle caractéristique. » Quant aux monstres rares, leurs conditions d’apparition parfois opaques sont issues de la volonté d’encourager les joueurs à s’échanger des informations sur les forums – ou comment Internet joue un rôle, même si le jeu n’est pas connecté ! On comprend mieux pourquoi beaucoup ont cru retrouver dans FFXII une sorte de MMORPG hors ligne.

Il est regrettable que ce système de combat complexe et abouti – d’ailleurs encore approfondi dans l’édition International parue en 2007 au Japon – n’ait pas eu de postérité directe dans la série. Un regret partagé par les créateurs eux-mêmes, et Itô le premier, tant ils ont consacré de temps et d’effort à son élaboration. Ces difficultés ont peut-être joué en leur défaveur.

L’esprit des productions Matsuno

S’il est facile d’imaginer que le système de chasse aux monstres est également l’application des quêtes secondaires typiques des MMORPG, ce serait oublier que l’équipe de Yasumi Matsuno a déjà proposé des activités similaires par le passé, qu’il s’agisse des quêtes du tavernier de Final Fantasy Tactics ou des missions de clan de Tactics Advance. C’est donc tout naturellement Maehiro qui supervise la conception des cibles des contrats de chasse, dont les affrontements bien plus exigeants que les combats ordinaires figurent d’ailleurs parmi ses préférés.

Qui plus est, ce riche écosystème aurait certainement bien moins de saveur sans une copieuse littérature pour l’inscrire dans l’univers du jeu. Celle-ci est en grande partie consignée dans les menus Liste des contrats et Bestiaires, dont la richesse est quasi inégalée dans la série. Maehiro en confie la rédaction à une toute jeune recrue de l’équipe des combats, Genki Yamashita. Lors de son recrutement, ce dernier avait en effet soumis une proposition de jeu d’aventure dont l’écriture avait tapé dans l’œil du directeur des combats. Mais, à cause du nombre d’ennemis, cela n’en constitue pas moins une tâche dantesque !

Grâce à son système sans transition et à la profusion de ses contenus, il se dégage de Final Fantasy XII un sentiment de liberté ébouriffant, qui se traduit notamment par la possibilité de poser le pied précocement dans des zones de haut niveau… quitte à y perdre ses plumes. Mais pour beaucoup de joueurs, cela a également entraîné une mise en retrait notable du scénario.

C’est précisément l’effet recherché par l’équipe, et par Maehiro en particulier, qui explique : « Quand je joue aux jeux récents, je trouve que la plupart d’entre eux me contraignent à suivre l’histoire. Par le passé, il me semble que les jeux les plus intéressants étaient ceux qui laissaient le joueur profiter de l’histoire à son rythme. Par exemple, quand vous vous aventuriez en terrain inconnu et tombiez sur un monstre que vous n’aviez jamais vu, vous deviez d’abord vous demander si vous étiez assez fort pour le vaincre. […] En adoptant un système de combat sans transition, mon idée sous-jacente était donc de revenir à l’esprit de ces anciens jeux. »

Comme on pouvait déjà le deviner dans Vagrant Story, il y a sans doute là ce qui décrit le mieux l’esprit des productions de l’équipe de Matsuno : une passion non dissimulée pour les jeux à l’ancienne, moins faciles et intuitifs certes, mais plus gratifiants pour les joueurs persévérants. « Personnellement, j’aime les jeux difficiles, alors je pense que cette préférence a transparu dans la création de ce jeu », explique sans grande surprise Maehiro, ce qui se ressent aisément dans les nombreux combats de haut niveau proposés par FFXII.

La rupture est d’autant plus notable avec les épisodes de l’équipe de Yoshinori Kitase, et notamment FFX : des œuvres nettement plus narratives et linéaires, aux graphismes chatoyants. Mais les jalons posés par ces dernières n’en obligent pas moins FFXII à se doter d’éléments en apparence plus frivoles qui détonnent avec les intrigues géopolitiques. Ainsi, alors que le premier héros aurait dû être Basch, il est finalement remplacé par Vaan – un jeune homme qui, tout comme sa petite amie Penelo, s’avère quelque peu étranger aux péripéties profondes d’Ivalice, au point de ne plus adopter qu’une place d’observateur sans enjeux. Cela n’a pas empêché l’épisode, après un accueil initial nuancé, d’acquérir ses lettres de noblesse en incarnant une certaine idée de Final Fantasy. Une idée dont FFXVI s’inspirera peut-être…


The Last Remnant

Lorsque Final Fantasy XII est publié au Japon, en mars 2006, la nouvelle génération de consoles a d’ores et déjà commencé. La Xbox 360 est disponible depuis la fin de l’année précédente et la PlayStation 3 point à l’horizon. Pour Square Enix, il est grand temps de se mettre en ordre de bataille, et c’est ainsi que le treizième épisode de la série est déjà en gestation au sein de l’équipe de Yoshinori Kitase, après l’annulation d’une version PlayStation 2. Mais la conception de son moteur (le futur Crystal Tools) mobilise la quasi-totalité des programmeurs les plus expérimentés de l’entreprise, ne laissant aux autres projets que peu de moyens. Dans ces conditions, il n’émerge derrière FFXIII qu’un unique outsider : The Last Remnant.

Ce dernier constitue un changement de paradigme pour Square Enix. D’une part, il s’agit d’une toute nouvelle marque, imaginée pour séduire le public occidental autant que le japonais, ce qui représente une prise de risque notable. D’autre part, alors que l’éditeur avait jusque-là pour habitude de fabriquer ses propres outils technologiques, la décision est prise d’employer un moteur tiers, qui plus est américain : l’Unreal Engine 3 d’Epic Games. Un choix qui entraîne bien des difficultés de conception, tant les cultures de travail sont radicalement opposées.

Chapeauté par Akitoshi Kawazu, grand manitou de la série SaGa et producteur exécutif intérimaire de FFXII après la démission de Matsuno, The Last Remnant est conçu par une équipe composite qui réunit précisément quelques-uns des talents ayant travaillé sur ses précédents projets. Parmi eux se trouvent le réalisateur Hiroshi Takai (directeur des combats du remake de Romancing SaGa), le planificateur Kazuhiro Kataoka (concepteur en chef de la carte de FFXII) et… Kazutoyo Maehiro, qui est assez naturellement nommé directeur des combats. Pour beaucoup de ces créateurs, et malgré les contrariétés techniques, c’est la première fois qu’un projet inédit aussi ambitieux se présente, et ils comptent bien en profiter.

Mais pour Maehiro, il s’agit avant tout de passer après FFXII, dont le système de combat n’a pas fait l’unanimité. « J’ai failli me faire passer à tabac ! », plaisante-t-il même auprès du site VideoGamer. Le système de The Last Remnant sera donc conçu en puisant dans les réactions positives comme négatives. Or, si le jeu revient à une approche au tour par tour, inévitable symbole de consensus chez les fans de RPG, il n’en explore pas moins une voie ouverte par FFXII : donner au joueur le contrôle d’un groupe de personnages, et non de chacun d’eux individuellement. Cette décision est motivée par le contexte de guerre du jeu, qui encourage les créateurs à imaginer des batailles à grande échelle où les combattants sont réunis en unités soudées. C’est aussi cela qui justifie l’adoption d’un système de moral des troupes.

Malgré l’expérience acquise sur le précédent jeu, « il nous a fallu beaucoup de tâtonnement pour trouver comment gérer facilement un groupe de personnages », admet Maehiro sur le blog officiel. Et de souligner : « Ça fait partie de mon travail, mais c’est difficile à chaque fois. » Sur une note plus amusante, il justifie aussi le retour à un système au tour par tour par le fait qu’il n’est plus tout jeune et que ses doigts ne sont plus assez habiles pour des combats au rythme soutenu. Derrière la blague, cela permet une approche somme toute plus stratégique.

Lancé en novembre 2008 sur Xbox 360, The Last Remnant est porté quelques mois plus tard sur PC. Mais, en lieu et place d’un transfert à l’identique comme cela se fait habituellement, l’équipe de développement reçoit carte blanche pour compléter le jeu dans les limites du temps imparti. Les joueurs les plus attentifs auront ainsi constaté l’apparition d’une nouvelle technique d’arts mystiques, Flammes cramoisies. En 2018, quand le site japonais Gamer interroge Hiroshi Takai et l’artiste Yûsuke Naora sur les raisons de cet ajout impromptu, ceux-ci semblent pris au dépourvu. Naora glisse alors : « Ça ressemble bien à du Maehiro… » Autant dire que ce dernier ne serait donc pas étranger à de telles cachotteries !

Qui sait ce que Maehiro aurait ajouté dans la version PlayStation 3 si celle-ci n’avait pas été finalement abandonnée ? En comprenant que ce portage nécessitera un temps et une main-d’œuvre considérables, la direction de Square Enix choisit en effet de la repousser indéfiniment dans le but de replacer les développeurs sur des projets plus pressants. Parmi eux, une nouvelle entreprise qui s’apprête précisément à mobiliser les têtes pensantes de The Last Remnant


Le jeu d’action qui ne s’est jamais fait

Les ventes mitigées de The Last Remnant ne découragent pas Square Enix de cibler le marché international avec des marques inédites. Fin 2009, un game designer alors inconnu du public, Naoki Yoshida, est retiré de l’équipe de Dragon Quest X pour assurer la réalisation d’un tout nouveau projet. Ce dernier devra être un jeu d’action pure, au gameplay volontairement exigeant, se déroulant dans un univers de dark fantasy gothique aux touches futuristes. Une description qui n’est pas sans évoquer des titres concurrents fort populaires… À juste titre : des années plus tard, Yoshida plaisantera en disant que le projet ressemblait à Bloodborne avant l’heure, comme le regret de n’avoir pas pu devancer le jeu à succès de From Software.

Si l’équipe compte des vétérans de The Last Remnant (Hiroshi Takai le premier), car le titre doit utiliser à nouveau l’Unreal Engine, Yoshida en profite pour concrétiser un rêve plus personnel. Admirateur de longue date de l’œuvre de Yasumi Matsuno, il sollicite l’aide de plusieurs de ses ex-compagnons de route, dont le graphiste Hiroshi Minagawa et Kazuyoto Maehiro. L’illustrateur Akihiko Yoshida se joindra même tardivement à eux. Or, malgré ce casting de premier ordre, le développement progresse lentement. Puis, au bout d’un an environ, il connaît un coup d’arrêt brutal lorsque Yoshida est invité à reprendre les rênes de Final Fantasy XIV, après que celui-ci a été victime d’un lancement désastreux en septembre 2010.

Maehiro Proto Bloodmasque

Illustration conceptuelle de Bloodmasque datant de novembre 2011

Après avoir persisté pendant un temps dans les cartons de l’éditeur, le jeu d’action est finalement abandonné, sans doute en grande partie à cause de la remobilisation de ses chefs d’équipe sur la refonte de FFXIV. Il ressuscite pourtant quelque temps plus tard sous l’impulsion du producteur Ryûtarô Ichimura, qui en fait un action-RPG dont l’ambiance s’inspire de l’Europe médiévale et moderne. Mais après diverses mutations, les versions pour consoles de salon sont annulées, et le jeu paraît dans une relative indifférence en juillet 2013 sous le titre Bloodmasque, exclusivement pour les téléphones d’Apple.

Si le rôle de Kazutoyo Maehiro lorsqu’il était au travail sur le projet n’a jamais été précisé, tout laisse à penser que Yoshida l’a appelé non pas pour ses compétences de designer des combats, mais d’auteur. Un talent qu’il avait plutôt déployé en début de carrière, notamment dans les aventures textuelles de FF Tactics, mais auquel Yoshida semble avoir été très sensible. De fait, le nom de Maehiro figure au générique de Bloodmasque sous l’intitulé fort vague de « Story » (histoire). Dès la genèse du projet initial, Yoshida dit avoir prêté une attention toute particulière au récit et, d’après Ryûtarô Ichimura, l’univers de Bloodmasque se fonde lui-même sur une « bible » très détaillée, racontant deux mille ans d’une histoire alternative où les vampires ont pris le contrôle du monde.

Le destin contrarié de ce projet et le peu de publicité qui a accompagné son lancement final n’ont malheureusement laissé transparaître que peu de détails. Le dernier acte intervient en décembre 2014, quand Bloodmasque est définitivement déconnecté, le rendant ainsi injouable.


Final Fantasy XIV A Realm Reborn

Aux commandes de l’histoire

Au départ entrepris pour rectifier les failles du jeu, le chantier de sauvetage de Final Fantasy XIV change rapidement d’ampleur, quand il devient évident que les fondations sont trop défaillantes pour porter le MMORPG sur la durée. Ainsi, en plus de mises à jour de la version de lancement, dite « 1.0 », Square Enix entame début 2011 une audacieuse reconstruction intégrale de FFXIV, logiquement nommée « 2.0 » – ou A Realm Reborn, de son titre définitif. La coexistence des deux projets nécessite une équipe gigantesque, et si les créateurs de la version 1.0 demeurent en poste pendant un temps, la refonte voit l’arrivée d’un grand nombre de nouveaux noms. C’est tout particulièrement le cas pour le scénario et l’univers sous-jacent (le fameux lore).

Maehiro FFXIV

Délogé du jeu d’action abandonné pour travailler sur FFXIV, Kazuyoto Maehiro intègre d’abord le département chargé de l’interface utilisateur – une nomination quelque peu surprenante, alors qu’il ne s’était a priori pas illustré dans ce domaine précédemment. Ce n’est en fait que transitoire. Selon les mots de Maehiro, c’est d’une simple « tape sur l’épaule » que Naoki Yoshida le catapulte peu de temps après au poste de scénariste en chef de FFXIV 2.0. Il remplace alors Yaeko Satô, une vétérane de FFXI présente depuis le début du développement de la version 1.0, et qui se retire après la fin des mises à jour correctives. Une même passation des pouvoirs symbolique se produit du côté de l’univers, où Ken’ichi Iwao cède les rênes d’Éorzéa à Banri Oda.

De la part de Yoshida, le choix de Maehiro apparaît certes comme une manière de concrétiser leur précédente collaboration avortée, mais aussi – et peut-être surtout – d’invoquer une nouvelle fois l’esprit de Matsuno. Les choses sont d’autant plus claires que, comme le confesse Maehiro lors de la 13e lettre live de FFXIV, en 2014 : « J’aime lire et je lis des livres de plein d’auteurs différents, mais je dirais qu’en matière d’écriture de scénarios de jeu vidéo, ma plus grande influence est le game designer Yasumi Matsuno. J’ai travaillé avec lui pendant plus de la moitié de ma carrière chez Square Enix, et même si je m’occupais plutôt de contenus de combat, ses scénarios et son style d’écriture m’ont énormément influencé. »

Quand Kazuyoto Maehiro prend ses fonctions, l’histoire n’est encore qu’un simple synopsis. Cette situation persiste pendant toute la première moitié du développement, et pour cause : du fait de l’urgence avec laquelle le projet est conçu, Naoki Yoshida insiste pour consolider les fondations avant d’entamer la production intensive des contenus, textes y compris. La progression se résume à un tracé reliant les différentes zones, sans que les événements en chemin soient clairement définis. Cette méthode très calculée peut expliquer le caractère plus lent et dirigiste d’A Realm Reborn, un compromis nécessaire faute de temps.

De manière improbable, l’arrivée du scénariste sur FFXIV 2.0 s’apparente presque à la préparation d’une suite directe, tant il doit avant toute chose s’imprégner rapidement de ce qui a été écrit pour la première version et ses mises à jour. Il le raconte dans un message publié sur le site officiel en 2014 : « Je me suis empressé de lire la quantité faramineuse de documents sur l’univers du jeu, puis j’ai commencé à rédiger le scénario en comblant les failles de la version 1.x et en ajoutant de nouveaux développements et personnages. »

Il ne dispose pas moins d’une certaine liberté, qui s’exprime dans son choix peu surprenant d’un retour aux sources. Il s’explique : « Pour les gens de ma génération, la saga FF évoque avant tout des histoires où le héros arpente des mondes remplis de cristaux. […] À mon grand regret, les derniers opus de FF ne mettaient pas suffisamment en avant cet aspect. FFXIV a pour concept de remettre au goût du jour les éléments classiques de la série, voilà pourquoi j’ai tenu à centrer mon intrigue sur les cristaux. » À commencer par le plus imposant d’entre eux : Hydaelyn, le cristal mère.

Plus qu’un simple auteur

En tant que scénariste en chef de FFXIV, Kazutoyo Maehiro détermine avec Yoshida les thématiques, les événements et les personnages de l’épopée et des différentes quêtes du jeu. Sous ses ordres se trouve une équipe d’auteurs composée à elle seule de plus d’une dizaine de personnes. Il faut bien autant de plumes pour rédiger les nombreux textes d’un MMORPG ! Lors du développement d’A Realm Reborn, tous les contenus liés aux quêtes et à la mise en scène de l’histoire sont également supervisés par Kazuya Niinô, assistant réalisateur recruté fin 2011. Mais lorsque Niinô se voit confier début 2014 la réalisation de Dragon Quest Builders, il cède l’intégralité de ses fonctions à Maehiro, faisant de ce dernier la personne incontournable pour toutes les questions relatives au récit de FFXIV.

De fait, son rôle dépasse rapidement le cadre de la simple écriture, à tel point qu’il glisse, en 2016, dans un entretien croisé avec le compositeur Masayoshi Soken : « En termes de volume de travail, l’écriture du scénario ne représente pas grand-chose. (rire) » C’est que, comme cela transparaissait déjà dans ses précédents projets, il tient à ne jamais perdre de vue l’expérience globale. Fidèle à sa philosophie de travail, il voit l’écriture non seulement comme un moyen de raconter une histoire, mais aussi d’accompagner le joueur dans son apprentissage. Chaque contenu est ainsi introduit par une courte quête scénarisée, même superficielle, afin de nouer l’élément dans l’univers. Cette attention va jusqu’à la disposition des PNJ impliqués dans les quêtes, de telle sorte qu’ils soient par exemple tournés dans la direction du joueur quand celui-ci arrive.

Au sein même de l’épopée, cela passe également par la valorisation du joueur en tant qu’acteur central du récit. Maehiro explique : « Dans les RPG, le héros est un avatar contrôlé par le joueur. Il ne doit pas rester un simple spectateur de l’histoire, mais plutôt se trouver au centre. C’est à travers lui que l’histoire doit progresser et c’est aussi grâce à lui que les PNJ doivent briller. » Cette notion transparaît abondamment dans FFXIV, où le joueur est constamment rappelé à son statut de Guerrier ou Guerrière de la Lumière par les autres personnages, à tel point que sa réputation finit par le précéder. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles la narration du jeu s’apparente bien plus à celle d’un RPG classique qu’à celle d’un MMORPG, chose qui sera encore renforcée dans Heavensward.

Un dernier point est crucial pour aider le joueur à se sentir chez lui : un univers cohérent et approfondi. Ce facteur est inscrit dans l’ADN de FFXIV depuis la genèse de sa première version, où tous les paramètres socioculturels du monde ont été façonnés par Ken’ichi Iwao avant l’écriture du scénario par Yaeko Satô. Ce dialogue se perpétue au moment d’A Realm Reborn, cette fois-ci entre Banri Oda et Kazutoyo Maehiro. Pour autant, à partir de la refonte, la balance semble davantage peser du côté du scénario, l’univers étant avant tout élaboré pour donner de la densité et de la crédibilité aux personnages, aux lieux et aux institutions qui jalonnent le parcours du joueur. En retour, Oda occupe également le rôle de relecteur des textes, afin de garantir leur cohérence avec le monde d’Éorzéa.

Dans un entretien publié en 2018 sur le site portail de Final Fantasy, Maehiro explique l’importance d’avoir un univers crédible : « Quand vous vous rendez quelque part pour la première fois, vous devez avoir l’impression que tout est à sa place. Dès que quelque chose dénote avec le reste, cela vous sort du jeu. Vous n’êtes plus un Guerrier de la Lumière, mais juste un personnage de jeu vidéo. » Néanmoins, une telle densité peut se révéler à double tranchant. De fait, les créateurs de FFXIV se refusent à ensevelir le joueur sous une montagne d’informations indigestes, ce qui les force parfois à sacrifier certaines scènes ou à déporter l’exposition des détails les moins cruciaux vers les quêtes secondaires.

La dernière tâche notable de Kazutoyo Maehiro est de centraliser les demandes de musiques des différents départements de l’équipe, puis de les soumettre à Masayoshi Soken. Ce dernier commente son travail avec lui en ces termes : « Maehiro indique clairement quelles sont les parties importantes, et en plus il prépare des morceaux de référence, alors c’est facile de savoir précisément ce qu’il cherche. » La demande relative au thème du combat contre Léviathan mentionne ainsi un morceau de rock, puis cite la chanson « Master of Puppets » de Metallica en guise de repère. L’une des exceptions notables à cette clarté est le thème du combat contre Bismarck dans Heavensward, que Maehiro souhaite à la fois « violent » et « aérien » – une description paradoxale qui laisse Soken quelque peu pantois.

Maehiro Soken

Kazutoyo Maehiro et Masayoshi Soken en 2016 (image : Famitsu)

Grand amateur de musiques de jeux vidéo old school, dont il admire la qualité malgré les capacités sonores très limitées, le scénariste tient en haute estime la partie sonore de ses créations. Il s’en explique ainsi : « Je pense que les jeux vidéo sont une forme d’art totale, qui réunit le game design, la musique et les images en un tout cohérent. Parmi ces éléments, je trouve que la musique est à part. Je m’en souviens encore cinq ou dix ans après avoir joué à un jeu. Par exemple, vous pouvez encore fredonner les thèmes des boss de la série Final Fantasy. » À ce titre, il regrette que les bandes originales des jeux les plus récents soient moins mémorables… ce qui n’est pas le cas de FFXIV, s’empresse-t-il de préciser.

Ivalice est parmi nous

De toute évidence, Kazutoyo Maehiro est responsable de l’introduction d’éléments directement tirés de Final Fantasy XII dans l’univers de FFXIV. Dès A Realm Reborn, c’est par exemple lui qui glisse une mention furtive de la nation de Dalmasca, lors d’une discussion entre deux soldats impériaux – et ce, alors que cette partie du monde n’est pas encore définie. Quant aux Asciens, un groupe d’être primordiaux qui agissent dans l’ombre tout au long de l’épopée, la filiation avec les Occurias paraît limpide… mais pas autant que leurs noms, ou plutôt leurs titres. Lahabrea, Elidibus, Emet-Selch ou encore Igeyorhm : tous sont nommés d’après les « descendants de la lumière », des entités opposées aux éons (le nom donné aux invocations de FFXII). Et c’est bien le plus puissant de ces derniers, Zodiarche (orthographié Zordiarche dans la traduction française de FFXIV), qui a été repris pour créer la divinité obscure des Asciens.

Faut-il en conclure que tout est lié ? Nullement, insiste Maehiro dans une lettre live : « Il n’y a aucun lien direct entre Hydaelyn de FFXIV, Ivalice de FFXII et Vana’diel de FFXI. Ce ne sont pas les mêmes mondes dans différentes dimensions ou à différentes époques, mais bien des mondes totalement séparés. » Dans chaque cas, l’objectif reste d’inscrire pleinement chaque emprunt dans l’univers de FFXIV. Telle est d’ailleurs la philosophie posée par Naoki Yoshida, qui voit dans le MMORPG un parc d’attractions de Final Fantasy. Il ne s’agit néanmoins que d’un vernis pour attirer l’attention des fans et, derrière les références les plus évidentes, il est heureux qu’il existe de telles allusions plus ésotériques.

À l’occasion de la deuxième extension de FFXIV, Stormblood, le rêve de Yoshida se réalise enfin : travailler avec Yasumi Matsuno en personne. Le créateur est alors invité pour diriger la conception d’une série de raids intitulée Retour à Ivalice. Il puise dans l’univers de FF Tactics et FFXII pour ajouter un nouveau pan du monde de FFXIV… qui n’est autre que le fameux royaume de Dalmasca, introduit par Maehiro quelques années plus tôt !

C’est d’ailleurs à ce titre que Matsuno s’empare d’un personnage anecdotique d’une ancienne quête : Drest, un dalmasquien réfugié dans une cabane de La Noscea orientale. Abandonné à son tourment depuis A Realm Reborn, le pauvre homme reçoit enfin le salut lors d’une quête secondaire pittoresque, dans laquelle Matsuno exprime par la même occasion son amour du bon vin. Dans une interview avec Dengeki Online en 2019, le créateur s’amuse : « J’ai replié le tissu que Maehiro a déplié. » À n’en pas douter, ces allusions répétées à FFXII dans FFXIV ont cultivé l’engouement des joueurs pour cet épisode pendant un temps décrié, au point de faire de sa remasterisation parue en 2017 un événement d’autant plus notable.

Elles ont en tout cas donné à voir toute la complicité espiègle entre les créateurs, fruit de l’ère des réseaux sociaux et de la communication à grande échelle. Mais, Kazutoyo Maehiro n’ayant pas de compte Twitter, c’est à travers celui de Yasumi Matsuno que les remarques fusent. En 2013, quand un internaute lui indique que son ex-collègue est le scénariste d’A Realm Reborn, il glisse une cette jolie vacherie : « Alors Maehiro, j’espère que ton japonais s’est amélioré ? (rire) » Deux ans plus tard, peu après la mise à jour 2.55, il s’exclame « Qu’as-tu fait à notre idole ? », probablement en référence à Minfilia, et s’empresse de lancer le hashtag « Maehiro est méchant ». Ce dernier sera d’ailleurs réutilisé par certains joueurs japonais après un certain moment tragique de Heavensward

Bien sûr, tout cela ne saurait dissimuler leur admiration mutuelle. Quand, en 2021, Hironobu Sakaguchi se lance dans un spectaculaire marathon de l’épopée de FFXIV et se réjouit de la qualité de la remarquable intrigue de la première extension, Matsuno réagit en laissant les moqueries au vestiaire : « Et c’est à ce moment-là que le nom de Kazuyoto Maehiro fut gravé dans l’esprit de M. Sakaguchi… » Une belle forme de reconnaissance – quand bien même, dans le doute, il précise : « Enfin, je ne sais pas ».


Final Fantasy XIV Heavensward

La suite sur des bases solides

Après la course folle vers le lancement d’A Realm Reborn, le développement des premières grandes mises à jour commence sans attendre, ce qui ne laisse guère à l’équipe le temps de souffler. Pourtant, un objectif plus lointain se dessine déjà : une première extension, la future Heavensward. L’occasion est toute trouvée pour les créateurs de transporter la suite de l’épopée dans une direction qui leur sied davantage et, surtout, de se sentir en pleine possession de leurs moyens. De fait, la trame scénaristique de Heavensward bénéficie directement de l’expérience tirée de la refonte et de ses mises à jour, comme le souligne Maehiro en 2018 : « Nous avons acquis tout un talent de compétences utiles, par exemple pour structurer le scénario central et assembler les quêtes des jobs et les quêtes secondaires, ce qui nous a permis de trouver un format de base à utiliser par la suite. »

Maehiro Yoshida 2018

Kazutoyo Maehiro et Naoki Yoshida en 2018 (image : Square Enix)

Dès lors, grâce à cette stabilité, la hiérarchie des tâches met plus en valeur l’histoire que dans A Realm Reborn. Après que Naoki Yoshida a énoncé les concepts essentiels (une aventure racontée sous la forme d’un voyage, l’ajout de la possibilité de voler et une ambiance de dark fantasy), Maehiro s’en empare pour établir le synopsis, les zones, la progression et le rythme des rebondissements, puis le contexte narratif de chaque lieu. Ainsi détermine-t-il que Heavensward comptera une grande ville centrale et six régions à explorer – une organisation par ailleurs conservée dans les extensions suivantes, avec comme principale différence l’ajout d’une ville secondaire.

Pour beaucoup, Heavensward est le point de départ de FFXIV à son meilleur niveau, grâce à un sentiment d’aventure scénarisée digne d’un RPG classique et à une écriture théâtrale de grande qualité, riche en rebondissements. Il faut dire que la première extension renoue aussi avec de nombreux éléments de fantasy plus traditionnelle, plaçant le conflit millénaire entre humains et dragons au cœur de sa trame. Quant à savoir pourquoi l’histoire compte pas moins de sept dragons primordiaux, Maehiro se fend d’une justification plutôt inattendue : « Quand on parle de dragons, il faut qu’il y en ait sept ! Regardez Dragon Ball. » Toujours est-il qu’il faudra plusieurs années à l’équipe pour réussir à mettre chacun d’eux en scène, jusqu’à Vrtra et Azdaja dans Endwalker et ensuite.

L’optique plus sombre de Heavensward n’est guère surprenante. En effet, si Naoki Yoshida et ses chefs d’équipe décident très tôt que le récit reprendra à Ishgard et dans les hautes terres septentrionales d’Éorzéa, c’est très certainement pour donner à ce qui est désormais leur jeu un tour ténébreux, aux inspirations gothiques… et ainsi ressusciter l’ambiance qu’ils rêvaient de proposer dans leur titre d’action annulé.

Bien qu’Ishgard soit présente dans le paysage de FFXIV depuis la version 1.0 (il était déjà possible d’en contempler la silhouette depuis le Coerthas), son contexte est insuffisamment développé au moment d’entamer la production de Heavensward. Cela requiert toute l’attention de Maehiro et Oda, comme l’explique le premier : « Il y avait quelques textes écrits dessus, mais c’est tout. Il n’avait pas été déterminé de quel type de nation il s’agit ou quelle est son apparence. […] Nous avons donc décidé d’en faire un lieu qui ajoute une nouvelle dimension à l’univers de FFXIV. » Le ton est donné dès l’ouverture de l’extension, quand l’imposante cité aux pierres noires émerge du blizzard mordant…

Même si le Guerrier de la Lumière demeure le nœud de l’aventure, le petit groupe de personnages secondaires qui se constitue à ses côtés commence à jouir d’une aura propre parmi les joueurs. La mort tragique de l’un d’eux est à ce titre l’un des grands tournants dans le rapport entretenu par la communauté avec le jeu. Quand, en 2018, le site portail de Final Fantasy lui demande s’il avait anticipé un tel enthousiasme, Maehiro répond : « Si je l’avais vu venir, je n’aurais pas reçu autant de lettres de joueurs en colère qui m’ont fait craindre pour ma vie ! (rire) » À croire que les réactions au système de combat de FFXII ne l’avaient pas accoutumé à de telles menaces… L’attachement aux héros ne fera en tout cas que se renforcer au fil des ans, preuve s’il en est que FFXIV a touché droit au but.

Des pistes pour l’après

En 2015, quand le projet Final Fantasy XVI est enclenché dans le département dirigé par Naoki Yoshida (alors nommé Business Division 5), un petit groupe de développeurs clés est retiré de FFXIV pour commencer à travailler sur le nouveau jeu. Sans surprise, Kazutoyo Maehiro en fait partie. Ainsi, après le lancement de Heavensward, celui-ci adopte un poste de supervision de FFXIV (officiellement : « responsable de la section scénario ») afin d’assurer la transition avec ses successeurs désignés – au moins le temps de l’extension suivante, Stormblood. À partir de 2019, il devient « directeur de la section game design » quand la Business Division 5 est changée en Creative Business Unit III, mais à ce moment-là, il ne se consacre plus qu’au seizième épisode.

L’intégralité de ses fonctions de directeur du scénario de FFXIV atterrit entre les mains de Banri Oda, en parallèle de ses activités de concepteur de l’univers, et de Natsuko Ishikawa, jusque-là autrice de quêtes de jobs (le surineur et le chevalier noir) et de divers contenus secondaires (le Labyrinthe de Bahamut et la Tour de Cristal). Le premier se trouve alors chargé des mises à jour impaires de Heavensward (3.1, 3.3, 3.5), et la seconde, des mises à jour paires (3.2, 3.4). Pour autant, lors d’une lettre live diffusée en juin 2016, Ishikawa souligne que le premier synopsis continue à être l’œuvre de Yoshida et Maehiro, et précise que ce dernier reste son supérieur hiérarchique direct. À cette occasion, elle le décrit en ces termes : « D’ordinaire, c’est quelqu’un de normal, mais dès qu’il entre en mode travail, il peut être assez effrayant. Après n’avoir rien mangé pendant deux jours, il se met soudain à avaler une seule et même chose en énorme quantité. »

Le duo formé par Oda et Ishikawa se prolonge lors de l’écriture de l’extension suivante, Stormblood, où le premier dirige la partie de l’épopée à Ala Mhigo, tandis que la seconde prend le relais à Othard. Mais, du fait de son travail de supervision, Kazutoyo Maehiro ne reste jamais bien loin. Lors de la conception du raid Retour à Ivalice, l’équipe lui demande même de sélectionner lui-même les musiques de Final Fantasy Tactics et FFXII à reprendre, pour la simple et bonne raison qu’il avait lui-même travaillé sur ces épisodes.

Cependant, le créateur ne s’éloigne pas de FFXIV sans poser une petite bombe qui aura, quelques années plus tard, une influence déterminante sur la suite de l’épopée. Au moment où le développement de Heavensward touche à son terme, Maehiro regrette en effet que la séquence de fin manque d’impact. Il décrète ainsi qu’une ultime scène marquante doit être ajoutée, ne serait-ce que pour établir les bases de futures intrigues, et se rapproche de Yoshida pour lui proposer de faire intervenir… des Guerriers des Ténèbres. Investi par Maehiro de la mission de tisser ces mystérieux anti-héros dans l’univers du jeu, Banri Oda imagine alors qu’ils proviennent du premier reflet. Le résultat ? Une scène mémorable où l’Ascien Elidibus accueille Ardbert ni plus ni moins que sur la Lune – et, surtout, les premières pistes qui mèneront quelques années plus tard à la grandiose extension Shadowbringers. Merci pour l’étincelle, monsieur Maehiro !

Le maître des canulars

S’il y a un autre domaine dans lequel Kazutoyo Maehiro s’est particulièrement illustré, c’est celui des vidéos parodiques ou des blagues autour de l’univers de FFXIV. Les joueurs découvrent pour la première fois son talent en mars 2014, lors d’une lettre du producteur live, quand il lève le voile sur la vidéo d’un faux demake façon Super Nintendo du combat contre Titan en version extrême. Dans l’idée de Maehiro, il s’agit d’un moyen de se présenter – autrement dit : il ne faut pas voir en lui un simple scénariste. Les graphismes en 2D sont en effet entièrement de son fait, issus d’une dizaine de jours de travail nocturne, et son unique collaborateur n’est autre que Masayoshi Soken. Ce dernier, en découvrant la vidéo, décrète qu’elle mérite un accompagnement musical adapté et produit un arrangement rétro du thème du boss.

Maehiro Titan Demake 1

L’année suivante, Maehiro revient à la charge avec un jeu de combat qui n’existe pas : Ultimate Fight Final Fantasy XIV, inspiré par Divekick d’Iron Galaxy (édité au Japon par Square Enix). La vidéo montre une bataille entre Yda et Livia à Mor Dhona, se terminant par une spectaculaire transcendance qui fait intervenir les Héritiers de la Septième Aube. Alors que Maehiro s’était donné pour règle de n’entraîner aucun coût supplémentaire pour le demake de Titan, les moyens mis en œuvre cette fois-ci ne sont pas anodins : deux mois de travail, pendant lesquels le créateur s’adjoint les services des animateurs de FFXIV.

Lorsque le résultat est présenté pendant une lettre live en public, en avril 2015, il prolonge la blague en demandant à Naoki Yoshida un délai de sept mois et un budget de 60 millions de yens (plus de 460 000 euros) pour développer une authentique version jouable de cet Ultimate Fight. Ce à quoi le producteur et réalisateur lui oppose un refus franc et massif, non sans ajouter : « L’équilibrage des transcendances est totalement abusé ! »

Deux mois plus tard, le 16 juin 2015, Maehiro revient à des proportions plus modestes lorsqu’il célèbre l’arrivée imminente de Heavensward avec une vidéo en pixel art sommaire montrant « Biggs et Wedge seulement en train de courir » (traduction littérale du titre). Son éloignement de l’équipe de développement de FFXIV après le lancement de l’extension ne l’empêche en rien de continuer à imaginer de faux dérivés, comme c’est le cas en 2016 avec Tataru no Bôken (l’aventure de Tataru), une imitation fidèle des Final Fantasy de l’époque NES, et en 2017 avec Tactics Alexander, un poisson d’avril rendant un hommage appuyé à Tactics Ogre – titre dont il a pleinement assimilé l’héritage, quand bien même qu’il n’a pas travaillé dessus.

Mais c’est certainement pour son poisson d’avril de 2018 que Maehiro signe sa plus belle œuvre : Magnai Fantasy, un récit des infortunes amoureuses de l’Oronir croisé dans l’extension Stormblood, certes, mais aussi et surtout une incroyable célébration du catalogue ancestral de Square Enix. De Final Fantasy à Secret of Mana en passant par Actraiser, Square’s Tom Sawyer ou encore la série Ogre, la vidéo impressionne par sa richesse autant que par sa minutie. Il y a même un clin d’œil à The Last Remnant sous la forme d’un demake, ainsi qu’un final parodiant le changement de logo de Final Fantasy Versus XIII en FFXV, en 2013.

Le tout est toujours mis en musique par son complice Soken. Celui-ci n’étant lui-même pas le dernier pour la rigolade, il s’est plusieurs fois amusé à faire semblant d’espionner son collègue. Ainsi met-il sur la voie du jeu de Tataru quand, en juin 2016, il tweete : « J’ai capturé l’écran de Maehiro pendant qu’il fuyait la réalité après avoir raté un trésor dans l’Aquapole à cause d’une erreur d’inattention. » Il remet ça en décembre 2019 : « J’ai obtenu une nouvelle image de la mise à jour 5.15 sur le PC de Maehiro pendant qu’il était aux toilettes ! » Moralité : ne jamais quitter son bureau sans verrouiller l’écran…


Final Fantasy XVI

Porté par le retour inespéré de FFXIV et le lancement réussi de Heavensward, Naoki Yoshida devient vite l’un des nouveaux hommes clés de Square Enix. Alors que l’équipe de Hajime Tabata est au travail sur le quinzième épisode et que Yoshinori Kitase vient de lever le voile sur son projet de remake de FFVII, c’est à son département que la direction de l’éditeur propose, dès 2015, la mission de développer Final Fantasy XVI. Si Yoshida accepte l’offre, il n’en est pas moins lié au quatorzième épisode et ne peut se résoudre à produire et réaliser les deux en même temps. Pour mener à bien le projet, il se réserve le poste de producteur, puis s’entoure de plusieurs hommes de confiance de l’équipe de FFXIV qui viennent de terminer leur travail sur l’extension Heavensward : Hiroshi Takai à la réalisation, Kazuya Takahashi au design des personnages, Mitsutoshi Gondai à la conception du système de combat… et Kazutoyo Maehiro, bien sûr. Ce dernier se voit confier l’écriture du scénario de base et le game design général.

Pendant un temps non négligeable, le jeu est uniquement couvé par un petit groupe afin d’en déterminer les contours, et sans doute y a-t-il eu divers changements d’optique avant d’en arriver au format que nous voyons aujourd’hui. Preuve en est : la phase de production intensive commence finalement dans le courant de l’année 2019, avec une équipe de développement qui s’est grandement étoffée entre-temps. C’est d’ailleurs aussi en 2019 que Square Enix recrute Ryôta Suzuki, ex-game designer de Capcom, pour endosser le rôle de directeur des combats.

Alors que FFXVI arbore d’ores et déjà un récit plus noir que ses prédécesseurs, au point de présenter des scènes sanglantes dès sa première bande-annonce, il est difficile de ne pas y voir la concrétisation du goût de Yoshida, Takai et Maehiro pour une fantasy sombre et violente. Or, si cette vision est tout à fait dans l’air du temps depuis des jeux tels que The Witcher 3 ou la série Game of Thrones, il ne s’agit pas moins pour eux d’une préférence de longue date, puisant tout autant dans Berserk, manga légendaire de Kentarô Miura (disparu l’an dernier), que dans les jeux de rôle à l’Occidentale. Tout cela, sans oublier l’influence décisive des productions de Matsuno, ne serait-ce que pour la géopolitique théâtrale. En ce sens, Maehiro a été à bonne école.

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On peut tout autant l’interpréter comme une « revanche » après l’annulation de leur jeu d’action extrême, même s’il est vrai que le cadre de Final Fantasy est plus contraignant que celui d’une authentique nouvelle création, tant le public ciblé est nombreux et compte déjà certaines attentes. Qu’à cela ne tienne : Yoshida a indiqué qu’il souhaitait créer un épisode adulte, capable d’intéresser les fans ayant grandi avec la série et possédant un peu plus de recul sur les réalités du monde. Une tâche ambitieuse, qui nécessite un propos solide.

Les premières communications officielles de FFXVI dressent de Valisthéa le portrait d’un monde ancien et déliquescent, rongé par un Fléau encore mystérieux, et où « l’hégémonie des cristaux » n’a que trop duré. Une interprétation de ces pierres magiques qui est bien différente de celle de FFXIV, où le Cristal mère est une entité purement bienfaisante. Le présupposé de départ évoque bien plus FFXII, mais aussi et surtout – pour des raisons visuelles évidentes – The Last Remnant : un monde dans lequel des forces surnaturelles ont un pouvoir bien trop puissant sur une humanité fragile et instable, incapable de le maîtriser.

Certes, on peut reprocher pour l’instant à Final Fantasy XVI une trop grande similarité avec ses inspirations. Mais la présence d’un créateur polyvalent tel que Kazutoyo Maehiro a sa tête offre au moins l’espoir d’un jeu conçu avec un grand soin et, surtout, une conscience de l’œuvre dans sa totalité. Après avoir multiplié les disciplines d’un jeu à l’autre, il a démontré dans FFXIV son attention pour tous les facteurs qui, au-delà du simple texte, contribuent à la narration et à la crédibilité d’un univers. Celui de FFXVI semble d’ores et déjà copieux, alors nous pouvons désormais espérer qu’il sera au service d’une aventure captivante. Le rendez-vous est pris à l’été 2023.

Sources