20 ans après, les créateurs de Final Fantasy X se confessent dans Famitsu

Le 19 juillet dernier, Final Fantasy X fêtait le vingtième anniversaire de sa sortie japonaise. À l’occasion de cette date symbolique, l’hebdomadaire Famitsu a réuni quelques-uns des principaux membres de son équipe de développement : le producteur Yoshinori Kitase, le réalisateur chargé du scénario Motomu Toriyama, le scénariste Kazushige Nojima et le designer des personnages Tetsuya Nomura. Ils sont revenus non seulement sur la création de cet épisode toujours très populaire, mais aussi sur ce qu’il a changé pour eux et pour la série. Vous trouverez ci-dessous un long résumé de cet entretien passionnant et fort instructif, qui vient d’être publié sur le site Internet du magazine. À l’issue de sa lecture, on peut légitimement se demander si, en fin de compte, il ne faut pas voir dans FFX un tournant aussi considérable que FFVII.

Avant toute chose, et pour mieux comprendre l’enchaînement des projets, il convient de souligner que les têtes pensantes de FFX ont précédemment travaillé sur FFVII et VIII, le neuvième épisode ayant été produit par une équipe différente. C’est la raison pour laquelle ils mentionnent régulièrement ces deux épisodes. Plus précisément, Yoshinori Kitase a été le réalisateur de FFVII et VIII ; Motomu Toriyama a été planificateur des événements de FFVII (il n’a pas travaillé sur le VIII, mais sur le scénario de Racing Lagoon) ; Kazushige Nojima a été le scénariste en chef de FFVII et VIII ; et Tetsuya Nomura a été designer des personnages et directeur des graphismes de combat de FFVII et VIII, en plus de diverses contributions au scénario. Ils citent également Yûsuke Naora, qui a été directeur artistique de FFVII, VIII et X, et Toshirô Tsuchida, réalisateur chargé des combats de FFX.

Attention : cet entretien contient des spoilers de l’histoire principale de FFX. Ceux-ci concernent des points révélés au cours de l’intrigue, mais n’évoquent cependant pas la fin du jeu.

Thématiques et sources d’inspiration

En ouverture de l’entretien, Famitsu souligne que l’une des thématiques de départ de Final Fantasy X était celle du voyage. En tant qu’auteur, Kazushige Nojima explique avoir voulu créer un monde dans lequel les déplacements prennent du temps, contrairement à FFVIII où les moyens de transport modernes permettent de couvrir rapidement de longues distances.

À cela s’ajoutent bien sûr les inspirations asiatiques, qui sont au cœur de la direction artistique du jeu et qui rompent notablement avec les styles contemporains de FFVII et VIII. Avant tout souhaitée par Nojima, cette orientation lui a été inspirée par un voyage à Okinawa, une île tropicale située au sud du Japon. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il a appris les mots « tiida » et « yuna », qui signifient « soleil » et « matin et soir » en dialecte okinawaïen, et qui ont inspiré les prénoms des deux héros. À cela s’ajoute le fait que « yuna » est le nom local de la fleur de l’hibiscus tiliaceus, ce sur quoi s’est basé Tetsuya Nomura pour créer le motif floral de la tenue de l’héroïne.

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À la lecture de l’entretien, on comprend rapidement à quel point l’univers imaginé par Nojima a composé les fondements de FFX, là où les choses avaient pu se montrer plus libres dans les épisodes précédents. Cela se ressent par exemple dans la contribution de Tetsuya Nomura. Là où ce dernier avait pour habitude de dessiner ses personnages en priorité, pour que l’histoire soit ensuite adaptée autour d’eux (ce que de nombreuses anecdotes du développement de FFVII et VIII viennent confirmer), il a dû pour la première fois se plier entièrement au contexte prédéfini. Et ce, même si ce dernier pouvait connaître des bouleversements plutôt radicaux, comme le prouve l’exemple de Tidus.

Initialement, le héros devait en effet être un plombier sous-marin – une idée inspirée par une autre thématique centrale du jeu, l’eau. Mais alors que Nomura était à l’œuvre sur le design du personnage, un changement de dernière minute se produit : en réalité, Tidus sera un sportif de haut niveau. Ce revirement est dû à Yoshinori Kitase, qui souhaite alors que le sport joue un rôle plus important que jamais dans l’histoire du jeu. Le producteur est alors inspiré par « une série de films de science-fiction » qu’il ne cite pas, dans laquelle un sport de course est directement noué dans l’intrigue – difficile de ne pas deviner qu’il s’agit de Star Wars : La Menace fantôme, justement sorti au tout début du projet FFX, et de sa fameuse course de modules. Persuadé qu’un héros athlète serait tout à fait unique, il convainc Nojima de modifier l’histoire en conséquence, ce qui contraint par là même Nomura à adapter son design. De son bref passage dans le monde des plombiers, Tidus conserve néanmoins la salopette, à laquelle le dessinateur a simplement ajouté des parties plus élancées.

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Malgré les explications précédentes de Nomura, il n’en reste pas moins que ses designs peuvent avoir une influence sur l’écriture de l’histoire. Ainsi, c’est après avoir découvert que son collègue avait ajouté diverses cicatrices sur le corps et le visage de Jecht que Nojima a choisi d’en faire un personnage de père bourru et sévère. Avec le recul, le scénariste s’autorise tout de même une nuance : « Il y a vingt ans, je n’avais pas d’enfants, mais si j’avais été père, j’aurais peut-être rendu Jecht un peu moins dur. »

Un univers plus approfondi

Invité à résumer la ligne centrale de l’histoire de Final Fantasy X, Kazushige Nojima explique qu’il s’agit du contraste entre deux personnalités : celle de Yuna, qui va de l’avant avec détermination même si elle sait qu’elle devra se sacrifier, et celle de Tidus, qui l’accompagne sans rien savoir de tout cela. Sur ce point, le scénariste admet une inspiration réelle des plus sérieuses, qui mérite d’être citée dans son ensemble :

« C’est quelque chose dont je n’ai pas beaucoup parlé, mais à l’époque où le développement de FFX commençait, j’ai lu les témoignages laissés par les membres des unités kamikaze et leurs familles. Il y en avait un qui parlait d’une famille qui accompagnait l’un des siens à la gare. Ils savaient qu’il allait mourir, mais ils s’inquiétaient tout de même pour lui, de peur qu’il se blesse. Cette détermination et cette résignation sont au cœur de l’histoire de FFX. Je voulais également que Tidus soit un réceptacle dans lequel le joueur puisse se projeter, et c’est pour cela que j’ai voulu le représenter comme quelqu’un qui ne comprend rien à ce qu’il se passe. »

En tant qu’élément extérieur, provenant – pense-t-il alors – d’une autre époque, Tidus est le déclencheur d’un profond bouleversement, qui le pousse à renverser l’ordre établi et, par voie de fait, à changer le monde. Motomu Toriyama rappelle alors que FFX se déroule dans un monde nommé Spira, précisément en référence au retour incessant de Sin depuis de nombreuses générations, créant ainsi une spirale de destruction et de malheur. Briser cette dernière devient lentement mais sûrement l’objectif central du récit.

Cet univers est qui plus est caractérisé par de nombreuses traditions, pour la plupart religieuses, et dont la richesse est aujourd’hui encore admirable. « Alors que Final Fantasy s’est constitué en agrégeant des éléments issus de divers mythes et œuvres de fantasy, je me suis demandé s’il serait possible de faire de Spira un monde qui se suffise à lui-même », explique Nojima, avant d’ajouter qu’il imaginait par exemple que Bahamut y porterait un nom différent (c’est d’ailleurs cette réflexion qui a encouragé la création d’invocations inédites, dont Anima). Mais, précise-t-il ensuite, il existe une limite au-delà de laquelle il est impossible de présenter au joueur tous les éléments d’arrière-plan sans que cela semble indigeste. Cela l’a donc forcé à ne pas proposer un univers trop détaillé.

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Il est intéressant de noter que cette démarche a été ensuite reprise pour servir de fondement au projet Fabula Nova Crystallis: Final Fantasy XIII, au sein duquel plusieurs jeux devaient s’inspirer librement d’une mythologie commune unique, également écrite par Nojima. La suite de l’histoire a démontré que la concrétisation de cette intention a été plus périlleuse que prévu, mais pour des raisons plus techniques que créatives.

En termes de mise au point d’un univers riche, l’une des nouveautés notables de FFX par rapport à ses prédécesseurs est la langue des al bheds. Au tout départ, Nojima souhaitait développer un système linguistique bien plus approfondi, nourri de ses recherches sur le sujet de la cryptographie. Des limitations techniques ont finalement contraint les concepteurs à adopter le système plus sommaire de permutation de syllabes (en japonais) et de lettres (en alphabet latin) présent dans la version définitive. Pour autant, une trace de ces ambitions demeure dans l’hymne des Priants, dont les paroles adoptent un sens caché en langue japonaise, qu’il est possible de retrouver en déplaçant certains groupes de syllabes. « Ieyui nobomeno renmiri yojuyogo hasatekanae kutamae » devient ainsi « inore-yo Ebon-ju, yumemi yo inori-go, hatenaku sakae tamae », autrement dit : « prie, Yu Yevon ; rêve, priant ; que notre prospérité soit éternelle ». La vérité était donc dans les oreilles de tous, bien dissimulée…

La place de la musique

Naturellement, la musique occupe un rôle crucial dans la série Final Fantasy, grâce à la contribution inestimable de Nobuo Uematsu – ce dernier ayant été rejoint dans FFX pour la toute première fois par des assistants, Junya Nakano et Masashi Hamauzu. Dans une autre partie de l’entretien, Motomu Toriyama revient sur la fameuse scène d’ouverture, montrant les héros silencieux autour d’un feu de camp dans les ruines de Zanarkand. En entendant l’alliance parfaite entre les visuels et l’émouvante musique au piano, il est difficile d’imaginer que Toriyama a en fait dû improviser en piochant dans le peu de morceaux alors composés à cette phase-là du projet. À cela s’ajoute bien sûr une autre anecdote, non mentionnée dans Famitsu : Uematsu, un peu débordé lorsque l’équipe de FFX commence à lui réclamer des morceaux, a sorti de son tiroir un thème inutilisé qu’il avait initialement composé pour un ami flûtiste.

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La musique s’accorde si bien à l’image que Toriyama a ajusté le montage pour correspondre à sa progression. Le résultat lui vaut les compliments d’Uematsu, et ce dernier, selon Kitase, aurait ensuite préparé le thème de fin en prolongeant l’idée développée par cette séquence d’ouverture. Il est donc peu surprenant d’y retrouver, parmi d’autres, la mélodie de Zanarkand.

Comme le démontre cette anecdote, Motomu Toriyama est, en tant que réalisateur chargé de la narration, celui qui dirige l’intégration des musiques. À partir de FFX, précise-t-il, ce processus consiste à jouer à l’intégralité du jeu vers les dernières étapes du développement afin d’y ajouter les musiques en contexte. En entendant ces explications, Kazushige Nojima intervient pour se lamenter : « Je me souviens m’être fait déposséder d’une musique que j’aimais secrètement et que j’avais décidé d’utiliser pour une scène dont je m’occupais. (rires) » Et d’ajouter, sans doute pour ne pas trop blâmer Toriyama : « Ce genre de tragédies se produit toujours à la fin du développement, et pas juste pour FFX. C’est pour ça que j’essaie de ne plus trop tomber amoureux des musiques. (rires) » L’histoire ne dit pas quel morceau était l’élu de son cœur…

Un gameplay finement calculé

Final Fantasy X a provisoirement mis fin à l’hégémonie du système Active Time Battle, inventé dans le quatrième épisode, au profit de « combats par tours de battement » – c’est-à-dire de l’authentique tour par tour, sans contrainte de temps. Ce vent nouveau vient de la nomination de Toshirô Tsuchida, réalisateur de la série de jeux de stratégie Front Mission, au poste de concepteur principal des combats. Pour autant, son rôle s’est imposé bien au-delà des affrontements, comme le souligne Yoshinori Kitase dans l’entretien. Le producteur explique ainsi que Tsuchida réfléchissait au jeu de manière logique, en se basant sur les nombres : si un combat se produit chaque fois que le joueur couvre une distance donnée, cela signifie que la zone doit faire un certain nombre de mètres de long.

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Selon Nojima, cette méthode constituait une authentique « révolution culturelle » pour l’équipe. En effet, précise Kitase, ils étaient jusque-là habitués à donner la priorité au scénario et aux graphismes. Par exemple, le directeur artistique Yûsuke Naora dessinait librement les décors, après quoi les développeurs planchaient sur la manière de les intégrer sous forme jouable. Mais avec Tsuchida aux commandes, les nombres jouaient soudain un rôle de premier plan, et le scénario devait être organisé à partir de là. Ici encore, Final Fantasy XIII prolongera cette logique à l’extrême – ce qui n’est peut-être pas étranger au fait que Tsuchida occupera le même poste.

L’avant et l’après Final Fantasy X

Au-delà de la simple production de FFX, l’entretien de Famitsu invite les créateurs à revenir sur ce que cet épisode a changé pour eux. Selon Motomu Toriyama, le premier épisode de la PlayStation 2 fut le tout dernier de la série à être développé d’une manière que l’on peut considérer comme artisanale. En effet, les planificateurs (ou game designers, selon la terminologie occidentale) avaient encore pour habitude de manipuler eux-mêmes les données brutes en utilisant des scripts, des commandes écrites dans un langage de programmation prévu à cet effet. Jusqu’au dixième épisode, il arrivait même à Yoshinori Kitase, pourtant officiellement producteur, d’ajuster lui-même certaines animations !

Toriyama souligne qu’après FFX, et notamment pour FFXIII, les méthodes de travail ont changé de telle sorte que les planificateurs sont devenus des théoriciens et donneurs d’ordre, qui ne mettaient plus autant les mains dans le cambouis. Ce fonctionnement articulé autour des scripts n’en est pas moins resté une pratique tenace des équipes de Square Enix, contribuant notamment aux lourdeurs techniques de la première version de FFXIV.

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Kazushige Nojima, quant à lui, porte la réflexion sur l’évolution du rapport entre les personnages et le joueur. Selon lui, les protagonistes de FFVII et VIII ont avant tout été conçus comme des « réceptacles » dans lesquels les joueurs pouvaient projeter leurs sentiments. Mais, sans doute en grande partie à cause de l’ajout des doublages, le scénariste a souhaité que les héros de FFX se démarquent davantage en disposant d’une personnalité plus affirmée, mais tout en conservant l’implication émotionnelle du joueur. Or, cet équilibre est si difficile à trouver que, de son propre aveu, cela continue à le hanter jusqu’à aujourd’hui dans l’écriture de Final Fantasy VII Remake. D’après lui, il existe un paradoxe dans le fait que plus les images deviennent réalistes, plus il est difficile de savoir ce que les joueurs ressentent réellement en regardant les personnages, comme s’ils étaient désynchronisés.

Loin de renoncer à relever ce défi, Nojima décide d’employer dès FFX des méthodes pour « resynchroniser » le joueur et les personnages. C’est notamment la fonction de la scène d’ouverture à Zanarkand et des monologues rétrospectifs de Tidus, qui permettent au joueur de comprendre peu à peu comment ces personnages ont convergé jusqu’à cet endroit et quels sont leurs sentiments respectifs.

Jouer sur les réminiscences des héros est une technique somme toute simple (d’ailleurs en partie réutilisée dans FFXIII, avec Vanille), mais que Nojima avait choisi d’employer avec précaution dans FFVIII, et pour cause : « Après la sortie de FFVII, je m’étais inquiété en lisant sur Internet des messages qui disaient qu’utiliser des flash-backs était vraiment nul. » Finalement, lorsque vient le tour du dixième épisode, le scénariste se convainc qu’il doit arrêter de prêter autant attention aux avis des internautes, au risque que cela brouille le message de l’œuvre. La présence de nombreux flash-backs dans FFX est, d’une certaine manière, l’affirmation de cette décision.

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Un peu plus loin, Nojima ajoute que les réactions enthousiastes suscitées par le jeu l’ont aidé à prendre confiance en lui et à affirmer son individualité sans se soucier de l’opinion des autres. De manière assez surprenante, il confesse : « Je pensais qu’après FFVII et VIII, FFX serait la dernière fois que je participerais à la série Final Fantasy, alors j’ai laissé transparaître çà et là une sorte de “sentiment d’adieu”. Finalement, j’ai continué à travailler dessus jusqu’à aujourd’hui. (rires) » Qu’est-ce qui pouvait bien le laisser penser qu’il s’agissait là de son ultime contribution ? Il ne le dit pas.

Comment rendre le jeu vidéo accessible

Pour Yoshinori Kitase, la démocratisation d’Internet à la fin des années 1990 a également constitué un chamboulement important, à tel point que la lecture des commentaires des joueurs a commencé à influencer directement certains choix de game design. Cela pouvait aller d’éléments somme toute secondaires (c’est en voyant des joueurs se demander pourquoi des monstres laissent de l’argent derrière eux en mourant que l’équipe a décidé d’intégrer un système de salaire dans FFVIII) à des décisions plus fondamentales : au-delà des intentions de Nojima, le retour à un style plus fantasy dans FFX a été encouragé par les avis de joueurs qui critiquaient l’ambiance plus « science-fiction » de FFVII et VIII.

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Invité à revenir sur un commentaire qu’il avait fait à l’époque de la sortie du jeu, Kitase souligne qu’il était alors obsédé par l’idée que les jeux vidéo disposaient d’une grammaire opaque, certes tout à fait compréhensible pour les joueurs de longue date, mais difficilement accessible pour les novices. Il s’explique : « Quand je jouais à des jeux dans un cadre privé, mes parents qui regardaient par-dessus mon épaule me disaient qu’ils ne comprenaient rien à ce qu’ils voyaient. […] J’ai donc toujours voulu créer un jeu qui toucherait les gens directement, sans avoir besoin d’explication supplémentaire, à la manière d’un film ou d’une série. » À la lumière de cette réflexion, on comprend mieux l’optique d’essentialisation cinématographique suivie quelques années plus tard par FFXIII.

En termes de compréhension directe, FFX a précisément apporté une évolution décisive : les doublages. Pour démontrer l’importance de cette nouveauté, Kitase explique avoir été particulièrement dérangé par la scène de FFVIII au cours de laquelle, en voyant Squall se faire transpercer par la magie de la sorcière Edea, Linoa pousse un cri… silencieusement. S’extirper des limitations du texte permettait donc de transmettre les émotions des personnages de manière plus accessible. À cela, Motomu Toriyama ajoute le fait que la motion capture, employée seulement lors de quelques scènes dans FFVIII, était pour la première fois abondamment utilisée dans FFX. Cela l’a notamment poussé à s’improviser directeur d’acteurs lors des séances de capture, une expérience totalement nouvelle pour lui, même si elle a démultiplié sa charge de travail. Ces innovations, qui ont nettement renforcé l’expressivité de la série, ont selon Kitase été cruciales pour définir l’avenir de leur médium.

Ce que nous promet l’avenir…

Final Fantasy X a marqué un autre tournant, en cela qu’il s’agit du premier épisode à avoir connu une suite directe : FFX-2. Si cela n’était pas du tout prévu à l’origine, les créateurs indiquent que leur décision a en grande partie été influencée par l’augmentation des moyens mobilisés par le développement lors du passage sur PlayStation 2. À demi-mot, ils admettent qu’une suite réutilisant les mêmes outils était une option bien plus économique, même s’ils présentent naturellement cela comme le moyen pour les joueurs de passer un peu plus de temps dans un monde qu’ils aiment.

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En vérité, et l’entretien ne le précise évidemment pas, cette idée leur a été soufflée avec insistance par la direction de Square, et notamment le président Yôichi Wada, alors engagé dans une réforme profonde de la société en vue d’optimiser la rentabilité de ses différents projets. Mais ce n’est pas dire qu’ils ne se sont pas approprié cette démarche, et Motomu Toriyama ajoute que puisqu’ils devaient s’essayer à cette grande première, autant le faire avec audace – d’où la direction plutôt surprenante empruntée par FFX-2 !

La page FFX ne s’est pourtant pas refermée avec sa suite directe. Une dizaine d’années plus tard, Square Enix propose une remasterisation en haute définition des deux titres sur PlayStation 3 et PlayStation Vita. Mais au-delà d’une simple réédition, la compilation propose un épisode audio inédit, intitulé Will, et son lancement s’est accompagné d’un roman portant le nom FFX-2.5 : Le Prix de l’éternité, le tout écrit par Kazushige Nojima. Ce dernier précise que le synopsis qu’il a d’abord formulé lorsqu’on lui a proposé d’écrire un roman s’est finalement transformé en Will, et qu’il s’est retrouvé à devoir imaginer une histoire différente pour le livre, tout en faisant en sorte de l’inscrire dans le même univers.

Portraits de Tidus, Yuna, Chuami et Kurgum réalisés par Tetsuya Nomura pour l’épisode audio Will.

À ce moment-là, ces nouveaux ajouts sans équivoque ont poussé bon nombre de fans à imaginer qu’un troisième titre était en chantier. Dans Famitsu, Nojima n’y va pas par quatre chemins : « Il y a eu un moment pendant lequel il y avait des signes que FFX-3 pouvait se faire… » Kitase parle quant à lui d’une « sorte d’élan » allant en ce sens – un élan si concret, en vérité, que Nojima a écrit à cette époque le synopsis de ce que serait FFX-3 s’il était amené à voir le jour. Mais Tetsuya Nomura s’empresse de préciser que ce projet est actuellement en sommeil, et Motomu Toriyama que la priorité de leur équipe restera le remake de Final Fantasy VII jusqu’à nouvel ordre. Reste que l’existence d’un Final Fantasy X-3 n’est pas rejetée catégoriquement, mais simplement renvoyée à un futur incertain.

Dans son mot de la fin, Nomura laisse d’ailleurs – comme à son habitude – toutes les portes ouvertes, en indiquant qu’il y a ceux qui veulent connaître la suite de l’histoire et ceux qui souhaitent qu’elle s’arrête ici. Et de conclure : « Il nous revient de prendre ces avis au sérieux et de continuer à réfléchir au meilleur compromis possible pour faire plaisir aux fans. »