Premier contact : Final Fantasy VII Remake

Depuis longtemps déjà, je considère que le remake de Final Fantasy VII est une entreprise vaine, si ce n’est nuisible. Certes, le septième épisode de la série est un jeu légendaire dont la qualité ne se dément pas, mais je pense que nous en avons non seulement suffisamment fait le tour, par le biais notamment de la fameuse compilation des années 2000, mais aussi et surtout que les talents de cette excellente équipe de développement seraient bien mieux employés sur de toutes nouvelles aventures, Final Fantasy ou non.

Cependant, puisqu’il est désormais impossible de l’éviter, à quatre mois de sa sortie mondiale, autant faire en sorte que Final Fantasy VII Remake soit une réussite. La démo jouable présentée depuis quelques mois par Square Enix – et notamment à la Paris Games Week cette semaine – permet-elle seulement d’en juger ? C’est là toute la question car, a priori, il est difficile d’imaginer qu’une petite vingtaine de minutes suffit à se faire une bonne idée de l’expérience sur le long terme, en particulier sur les mesures prises par les développeurs pour faire un jeu intégral à partir de ce qui n’était que le tout début du titre d’origine.

Il est intéressant, pour ne pas dire rafraîchissant de constater l’étonnante retenue de Square Enix dans la communication autour de FFVII Remake – tout du moins pour le moment –, ce qui se retrouve dans cette courte démo. Sans doute conscient que le jeu captera de toute façon une immense attention au moment de son lancement, l’éditeur n’y propose en effet qu’un aperçu de la dernière partie de la mission inaugurale du jeu, où Cloud et Barret s’engouffrent au cœur du 1er réacteur mako de Midgar pour y poser une bombe. Une séquence que je n’ai guère besoin de décrire davantage : vous avez déjà pu la voir sous plusieurs angles.

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À défaut d’être visuellement époustouflant, l’habillage moderne de FFVII Remake est séduisant, avec des personnages évidemment très soignés et une restitution authentique de la palette de couleurs sombre et verdâtre de la même séquence de 1997. Il est peut-être regrettable que la transposition à une échelle réaliste retire quelques-uns des charmes plus exubérants de la direction artistique originale, mais il s’agit d’un choix respectable, rendant l’ensemble plus mature et cohérent – sans oublier, bien sûr, que nous n’avons finalement encore rien vu… En termes purement techniques, seuls de rares accrocs viennent émailler la démonstration, mais ils sont excusables dans cette version du jeu datant d’il y a quelques mois déjà, et l’ensemble de l’expérience est en réalité tout à fait fluide.

Un même soin a été apporté à la partie sonore, tout particulièrement dans l’intégration dynamique de la musique. Le nouvel arrangement du thème du réacteur prend une tournure ténébreuse réussie, notamment dans la ponctuation pénétrante du piano, mais c’est surtout dans sa transition en une véritable musique de combat qu’il surprend : la fluidité de l’enchaînement, qui conserve la mélodie fondamentale, ferait presque oublier le fait que l’écriture musicale cède à une grandiloquence un peu dénuée de saveur. L’impression se confirme dans le thème de boss, qui troque les accents jouissifs de rock progressif de l’original contre un arsenal orchestral certes impressionnant – et diablement efficace en plein cœur de l’action –, mais manquant de caractère.

Quant à la question du doublage français, elle restera un sujet de débat durable, mais les échanges de Cloud et Barret dans cette démo sont plutôt convaincants – malgré l’écriture forcément agressive du second, qui ne donne que peu d’occasions de faire preuve de subtilité dans le jeu d’acteur.

Le véritable cœur de la démo jouable est néanmoins la prise en main du système de combat. À ce titre, j’étais curieux de vérifier si l’un de mes sentiments, lors du visionnage des vidéos publiées jusqu’à aujourd’hui, était fondé ou non : celui que les batailles contre les boss (Scorpion gardien comme c’est le cas ici ou Aps dans la démonstration du Tokyo Game Show) étaient inutilement longues. Je n’avais cependant aucun doute sur le fait qu’une fois la manette en main, l’impression se dissiperait, et c’est bel et bien le cas. La réinvention du système ATB, mêlant effectivement l’action sur le terrain et l’ouverture du menu de commandes, crée un résultat prenant, notamment couplé au changement de personnage à la volée – très rapide ! – ou aux différentes séquences du boss, qui nécessitent d’adapter sa stratégie.

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Ainsi, bien que le jeu dispose d’un menu de raccourcis à la Kingdom Hearts vers quatre emplacements pouvant accueillir des compétences, des magies ou des objets, on ne peut pas tellement dire du système de combat de FFVII Remake qu’il est complètement d’action. L’aspect stratégique promis par les développeurs est confirmé par les fréquents passages en « mode ralenti » pour sélectionner des compétences puissantes ou des magies adaptées chez l’un ou l’autre personnage. Cela crée évidemment un décalage avec les moments privilégiant les réflexes rapides, par exemple pour se mettre en posture de garde ou se repositionner, car il ne faut pas perdre de vue le rythme de la bataille… Les systèmes hybrides sont une discipline complexe, à laquelle la Compilation of FFVII s’était d’ailleurs déjà essayé dans Crisis Core – dont les combats m’avaient personnellement peu convaincu –, mais le remake est pour l’instant plutôt concluant.

Naturellement, toutes les pistes semées par la démo ne demandent qu’à être confirmées dans le jeu définitif, mais il est un point qui me rend particulièrement curieux… ou méfiant. Puisque cette portion peut être vue comme une spectaculaire optimisation du même moment dans le FFVII d’origine – surtout lors du combat contre le Scorpion gardien, ce premier boss du jeu qui est désormais infiniment plus intense –, les développeurs seront-ils capables de maintenir ce haut degré de détail dans toute leur réinvention de Midgar ? Ou cela ne ressemblera-t-il qu’à un miroir grossissant sur des points plaisants mais anecdotiques, avec le risque d’étirer dangereusement sur la longueur l’excellent rythme de l’original ?

Certes, les développeurs promettent une multitude de dialogues jamais entendus auparavant, mais ceux de la démo ne sont que de la décoration, sans réel enjeu. Grâce à la sobriété de Square Enix, tout reste encore à découvrir, et c’est tant mieux : comment, par exemple, cette foule de nouveaux détails nourriront la réécriture du scénario de cette première partie du projet de remake – que ce soit dans l’ajout de nouveaux personnages ou dans l’apparition plus précoce de Sephiroth.

En définitive, je ne peux m’empêcher de me demander si la preuve de concept que représente cette première démo, effectivement propre et bien réalisée, arrivera à être efficacement conjuguée par cent – ou plutôt par mille ! – à travers non seulement un, mais plusieurs épisodes, alors que Final Fantasy VII était une entité si belle et cohérente qui offrait en une unique trame un panorama d’ambiances inoubliables. La bonne nouvelle, c’est que nous n’avons jamais été aussi proches de connaître le début de la réponse. La mauvaise, c’est que nous risquons d’attendre bien longtemps l’ultime résolution