Hironobu Sakaguchi revient sur son rapprochement avec Square Enix et parle des remakes

Le site Glixel a publié hier un entretien avec Hironobu Sakaguchi dans lequel le créateur revient sur son rapprochement récent avec Square Enix, et notamment sur sa relation avec le réalisateur de Final Fantasy XV, Hajime Tabata. La discussion aborde également la question des inspirations du créateur, alors n’hésitez pas à aller la lire en entier. Ci-dessous, vous trouverez une traduction du début de l’entretien, qui aborde le sujet de FFXV ainsi que celui des remakes.

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Vous étiez présent sur la scène d’Uncovered: Final Fantasy XV en mars, ce qui était une vraie surprise. On aurait même dit que vous vous étiez réconcilié avec Square Enix. Est-ce comme ça qu’il faut le comprendre ?

C’est une question difficile. Vous voulez que je réponde franchement ? En tant que société, Square Enix avait toutes les raisons de prendre ses distances avec moi. J’avais évidemment une grande influence sur les gens qui y travaillaient, ce qui n’est pas forcément une bonne chose pour une entreprise qui veut continuer à se développer. Je peux comprendre pourquoi ça s’est passé comme ça s’est passé. Mais c’était il y a quinze ans, et les gens qui travaillent là-bas maintenant, et qui créent les Final Fantasy d’aujourd’hui, ne sont plus ceux avec qui j’ai travaillé à l’époque, alors je n’ai plus autant d’influence sur eux que par le passé.

Je ne parlerais pas tant d’une réconciliation que d’une nouvelle ère. Mais je pense en même temps que Square Enix craint que les gens associent le succès d’un nouveau Final Fantasy avec l’impression que je suis de retour, et en cela que j’ai eu une influence sur le jeu ou que j’ai participé à sa conception. Ils veulent simplement montrer mon visage, une fois de temps en temps, en tant qu’homme qui a créé la série.

Peut-on plutôt parler d’une approbation, alors ?

Oui, voilà.

Comment le rapprochement s’est-il déroulé ?

J’ai dîné avec M. Tabata trois fois. Il voulait avoir une discussion comme celle-ci, pour parler de la création de Final Fantasy, puisqu’il n’était pas là au tout début. Comme il venait de reprendre le flambeau, il se demandait qui serait la personne la plus appropriée pour parler des premiers épisodes, et il s’est finalement tourné vers moi. En ayant discuté avec lui plusieurs fois lors de ces dîners, je lui ai dit que son état d’esprit me plaisait bien. Il tentait à tout prix de faire de Final Fantasy XV un jeu marquant. À la fin de l’un de nos dîners, il m’a demandé si je serais prêt à venir sur scène pour dire aux gens que son équipe était prête à relever ce défi. Il pensait que cela galvaniserait réellement ses développeurs.

Final Fantasy va bientôt avoir 30 ans. Que diriez-vous si Square Enix cherchait à reconstituer l’équipe d’origine pour créer un projet commémoratif avec Yoshitaka Amano, Nobuo Uematsu et vous ?

Il faudrait que ce soit en pixel art. Ce serait amusant de faire une vidéo promotionnelle, ou une chose de ce genre-là, mais pas un jeu complet. Créer un jeu, c’est beaucoup trop de travail.

Je me demandais ce que vous auriez pu créer si vous aviez eu la technologie que nous avons actuellement quand vous avez commencé à faire des jeux.

Je n’aurais sans doute pas cherché à faire des jeux. Ça aurait eu l’air bien trop intimidant. Je ne me serais pas senti capable de le faire moi-même.

Combien de personnes ont travaillé sur le premier Final Fantasy ?

En tout, sans doute vingt personnes. Mais au tout départ, nous n’étions que quatre.

Donc si la technologie de 1987 avait été celle d’aujourd’hui, vous n’auriez pas créé votre propre jeu ?

Non, je ne pense pas.

Quel est votre avis sur les remakes de Final Fantasy ?

D’un côté, les remakes ont leurs avantages. Par exemple, les personnages des premiers Final Fantasy avaient des grosses têtes, et ce style n’est pas très vendeur en dehors du marché japonais. Les remakes permettent donc de présenter ces anciens jeux d’une façon qui était inaccessible à l’époque, et j’apprécie le fait que cela permette de les proposer à un plus large public. Cela dit, en tant que créateur, je préfère que les gens concentrent leur énergie dans la création de quelque chose de totalement nouveau. Par exemple, avec Final Fantasy XV, ils ont créé une histoire, un monde et des personnages qui sont entièrement nouveaux. Et ça, c’est super. Mais comme je l’ai dit, les remakes ont aussi leur utilité.

Avez-vous été prévenu de l’existence du remake de Final Fantasy VII avant son annonce publique l’an dernier ?

Non.

Avez-vous été surpris ?

Oui.

Les fans l’ont réclamé pendant longtemps. De moins en moins de gens pensaient que ça allait se faire, alors quand ils l’ont annoncé à la conférence de presse de Sony, c’était enthousiasmant.

Sans doute, mais c’est délicat de faire des remakes. Regardez Star Wars. George Lucas a ajouté de nouveaux effets spéciaux à ses films, et pourtant les gens préfèrent quand même regarder les versions d’origine. Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose, simplement que c’est délicat.

Le développement est assuré par CyberConnect2, qui est un très bon studio. Si vous deviez leur donner un conseil à propos de ce qui est essentiel dans Final Fantasy VII, lequel serait-ce ?

C’est clairement un sacré défi… Nous avons déjà pu voir des aperçus du nouveau jeu, et les visuels ont évidemment changé, ce qui signifie que les scènes de combat vont également beaucoup changer elles aussi, et qu’ils vont sans doute choisir de les faire en temps réel. Je pense qu’ils devraient faire un tout nouveau jeu qui partage simplement les personnages, l’histoire et l’univers [avec l’original]. Je n’ai pas vraiment de conseils à leur donner. Faites ce que vous voulez, disons.

Je vais citer une interview que j’avais faite avec Nobuo Uematsu il y a quelques années. Quand je lui ai demandé ce qu’il avait pensé de votre départ de Square, il a répondu : « Je pense que le jour où M. Sakaguchi a quitté Square, ils auraient dû arrêter de faire des Final Fantasy. » Qu’en pensez-vous ?

Après mon départ de la société, j’ai trouvé que Square tirait les jeux dans une direction qui ne me plaisait pas, notamment avec Final Fantasy XIII. Je n’en étais pas spécialement satisfait. Mais avec le temps, j’ai fini par accepter l’idée que c’était moi qui étais parti, et qu’ils étaient libres d’en faire ce qu’ils voulaient. Plus récemment, même si je ne connaissais pas M. Tabata et si je n’ai jamais travaillé avec lui, en regardant ce qu’il a créé avec Final Fantasy XV, j’ai senti qu’il avait adopté l’état d’esprit dans lequel j’étais lorsque j’ai créé la série. Entre les mains de gens talentueux, je sens que l’esprit d’origine de la série est de retour.