Dans les coulisses de Visual Works avec Kazuyuki Ikumori

La réputation de Square en matière d’imagerie de synthèse n’est plus à faire. Depuis l’impulsion donnée par Hironobu Sakaguchi au milieu des années 90, lors de la transition vers la première PlayStation, l’éditeur a toujours su mettre en avant ses titres avec des cinématiques à la pointe de la technologie et, surtout, d’un esthétisme flamboyant.

Derrière ces scènes parmi les plus mémorables du catalogue de l’éditeur se trouve un studio connu sous le nom de Visual Works, dont le fonctionnement est longtemps resté nimbé de mystère. Un mystère que Square Enix a choisi de dissiper à l’occasion d’une master class devant les étudiants en arts cinématiques de l’University of South California, à Los Angeles, le 12 mars 2015. Et c’est le directeur général de Visual Works lui-même, Kazuyuki Ikumori, qui a présenté les coulisses de son département. Il contribuait ainsi à un programme conjoint de Square Enix avec des universités américaines, dont la précédente étape avait donné l’occasion à son collègue Yûsuke Naora de raconter l’évolution visuelle de Final Fantasy.

Vous pouvez regarder la master class dans son intégralité sur ce lien (en anglais), un visionnage d’autant plus intéressant que Kazuyuki Ikumori a présenté de très nombreux exemples tirés des cinématiques de jeux Square Enix, les plus récents en premier lieu, ce qui constitue un regard unique sur les différentes étapes de leur conception. Vous trouverez ci-dessous un compte rendu en français de la présentation, avec des images directement tirées de celle-ci.

Remarque : en guise d’illustration, Ikumori a utilisé des extraits de cinématiques de jeux récents de Square Enix, notamment la scène inédite de Type-0 HD. Attention aux risques de spoilers, donc.

Sommaire
Qui est Kazuyuki Ikumori ?
Structure interne et fonctionnement
Prévisualisation, mise en scène et animation
Modélisation, squelettage et simulation
Effets visuels, éclairage et composition
Les valeurs de Visual Works

Qui est Kazuyuki Ikumori ?
Arrivé chez Square en 1993, il a commencé sa carrière en tant que graphiste. À cette époque, l’éditeur se consacrait encore pleinement à la Super Nintendo, alors Kazuyuki Ikumori a fait ses armes avec des pixels. À cette époque, les graphistes étaient polyvalents et pouvaient s’occuper aussi bien des personnages que des environnements. C’est précisément dans ces domaines qu’il a contribué à ses deux premiers jeux, Romancing SaGa 2 (1993) et 3 (1995). Les équipes ont commencé à se spécialiser à partir de la PlayStation, et Ikumori participa à la conception des décors de FFVII (1997). Mais il s’était également essayé à la réalisation de certaines cinématiques de cet épisode, ses premiers pas dans le domaine. C’est ainsi qu’à partir de FFIX (2000), il a peu à peu quitté le domaine de la création des images de fond pour se consacrer à celui des scènes précalculées. Il fut superviseur des décors et des accessoires des cinématiques de FFX, XI puis Kingdom Hearts.

C’est justement à l’époque de la sortie de Kingdom Hearts, en 2002, que Square décida de créer une division entièrement dédiée à la production de ces vidéos, qui centraliserait les besoins de tous les développeurs. Ce fut la naissance de Visual Works. Intégré dans cette structure, Kazuyuki Ikumori fut par la suite le réalisateur des cinématiques de FFX-2, FFIII et IV sur DS, Dirge of Cerberus et Crisis Core, des deux Dissidia, The 3rd Birthday, Star Ocean: The Last Hope, Front Mission Evolved, ou encore de la première version de FFXIV. Ce poste de réalisateur lui donnait l’occasion de participer plus activement à la direction artistique des jeux. Ikumori est depuis devenu le directeur créatif en chef de Visual Works, faisant de lui le superviseur de toutes les équipes du studio. Au jour le jour, cela revient à définir les rôles de chacun et à discuter avec les graphistes pour les conseiller et les motiver. C’est également lui qui a le dernier mot avant la finalisation de chaque projet. Il occupe également le poste de directeur général, ce qui consiste à recevoir les demandes des clients, fixer les budgets et gérer l’organisation de la division.


« Mon travail de directeur au jour le jour. »

Ces dernières années, Visual Works a commencé à diversifier ses projets et à s’ouvrir aux commandes des studios occidentaux de Square Enix (pour les bandes-annonces de Deus Ex, Hitman et Tomb Raider entre autres), et même à des clients extérieurs (la vidéo de Hatsune Miku revue par Tetsuya Nomura). Mais le studio se consacre également à la production de démos technologiques, avec comme fer de lance Agni’s Philosophy en 2012. Ils mènent ainsi le travail de recherche et de développement de l’éditeur dans le domaine des technologies de modélisation en 3D. Ainsi, Visual Works travaille actuellement en étroite collaboration avec l’équipe de développement de Final Fantasy XV.

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Structure interne et fonctionnement
Visual Works est une entité séparée des divisions de développement de Square Enix, ce qui lui permet de recevoir des demandes de la part de ces divisions mais aussi de sociétés externes. Le studio est détaché de la conception de vrais contenus de jeux notamment parce que les données traitées par ses infographistes sont beaucoup trop copieuses pour les processeurs des consoles. Il compte environ 100 personnes et travaille toujours sur plusieurs projets simultanément, en plus de se consacrer à la recherche et au développement. La structure interne comprend quatre équipes principales, détaillées ci-dessous. Elles sont assistées par des ingénieurs en charge de la conception des outils, de l’étude des nouvelles technologies, de l’entretien des serveurs et de la gestion de la capture de mouvement.

– Équipe D : gestion des projets
– Équipe R : prévisualisation, mise en scène et animation
– Équipe E : modélisation, squelettage et simulation
– Équipe B : effets visuels, éclairage et composition

L’équipe D analyse les commandes des clients et examine la meilleure approche à prendre avant de transmettre le projet à l’équipe R, qui se charge de créer une première prévisualisation de la cinématique et de préparer la mise en scène et les animations. Une fois cette étape terminée, le projet passe entre les mains de l’équipe B pour l’intégration des effets visuels et de l’éclairage. L’équipe E assiste les équipes R et B tout au long du processus, dans un va-et-vient permanent, afin de leur fournir les outils et les contenus dont elles ont besoin pour progresser. Kazuyuki Ikumori est ensuite entré dans le détail de ce processus.

Préproduction et conceptualisation
Cette première étape essentielle dépend beaucoup du projet. Dans l’idéal, l’équipe de Visual Works reçoit de nombreux documents des développeurs et ceux-ci ont une idée précise de ce qu’ils cherchent. Mais il arrive également qu’ils n’aient absolument rien à leur disposition, ou alors rien de plus qu’un budget. Ils doivent donc discuter longuement avec le client pour cerner ses attentes et définir le concept : des séances de brainstorming, des idées dans tous les sens, des tableaux blancs noircis, quelques débats houleux… Kazuyuki Ikumori note que son équipe s’attarde longuement sur cette étape car le concept doit être parfaitement clair pour tout le monde. Ainsi, une fois le concept défini, l’équipe produit très rapidement des storyboards et y accole des dialogues temporaires pour visualiser la scène et confirmer que la direction choisie est la bonne.

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Prévisualisation
Une fois le concept figé, l’étape suivante consiste à transformer les storyboards en un premier aperçu en images de synthèse. L’objectif est là encore d’obtenir un visuel compréhensible le plus rapidement possible, pour que toutes les personnes concernées, chez le client notamment, puissent comprendre de quoi il est question. Pour cela, ils n’hésitent pas à reprendre temporairement les éléments de précédentes vidéos. Le nombre de calques utilisé reste limité et les visuels sont rudimentaires, afin de permettre des changements rapides. Le scénario du jeu peut changer régulièrement et radicalement lorsque le développement est encore en cours, alors l’équipe chargée de la cinématique doit garder une base la plus flexible possible pour s’adapter aux circonstances. L’un des aspects les plus cruciaux pour eux est de faire en sorte qu’ils ne partent pas dans une direction différente des développeurs du jeu.

Mise en scène
Dès que le concept est validé dans sa phase de prévisualisation, les concepteurs passent à une phase de production plus détaillée, en travaillant notamment sur les angles de caméra, l’éclairage et les effets visuels afin de se rapprocher davantage du rendu final. L’équipe B, tout particulièrement, entre en jeu pour définir l’atmosphère de chaque scène par les jeux de couleur, de placement des objets et d’éclairage. Cette phase permet également de mieux cerner la quantité de ressources dont les infographistes auront besoin.

Capture des mouvements
Visual Works dispose de son propre studio de motion capture, également disponible à la location pour d’autres sociétés. Il a été installé à l’étage juste en dessous de leur bureau et dispose d’une surface enregistrable de 12 mètres sur 9 et 4,2 mètres de hauteur. Bien que l’équipement soit le même que celui des studios de motion capture habituels, l’équipe a mis en place un système permettant de travailler le plus rapidement possible, si bien que lorsqu’une session de capture est terminée, les données sont immédiatement envoyées sur le serveur et les animateurs peuvent les retrouver sur leur ordinateur dès qu’ils remontent. Fort de cette logique, et bien que Square Enix fasse également appel à des acteurs spécialisés dans le domaine, les animateurs sont souvent encouragés à faire la capture de leurs propres mouvements ! Si jamais ils doivent faire des changements mineurs, il leur suffit donc de quelques minutes pour obtenir l’animation dont ils ont besoin en la faisant eux-mêmes.

Animation
Du fait de la rapidité du processus de capture des mouvements, les animateurs peuvent consacrer plus de temps au keyframing, une technique d’animation manuelle consistant à créer une suite de points pour permettre au logiciel de calculer les mouvements supplémentaires. Selon le type de scène, ils peuvent avoir besoin de créer chaque animation jusque dans les moindres détails, par exemple lors les gros plans. L’une des grandes particularités des jeux de Square Enix, et des Final Fantasy notamment, vient des proportions peu réalistes et mouvements surhumains de ses personnages, qui ne peuvent pas être restitués fidèlement par la motion capture, car ils risqueraient de sembler étranges. Le keyframing leur permet donc de compenser cette difficulté, et de se concentrer sur l’une des demandes les plus fréquentes des clients de Visual Works : quel les personnages aient l’air classe !

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Création des ressources
Lorsque vient le moment de concevoir les éléments définitifs, Visual Works concentre surtout ses efforts sur les personnages, car ceux-ci incarnent les séries phare de Square Enix et sont le plus souvent le cœur du jeu. Naturellement, ils commencent par travailler à partir des illustrations conceptuelles qui leur sont fournies. Il arrive que celles-ci ne soient pas assez détaillées, alors les graphistes font des changements ou des ajouts eux-mêmes, en proposant des choses qui leur semblent appropriées. Certains développeurs leur fournissent parfois les photos d’un acteur et leur demandent de donner un air similaire au personnage.

Parfois, ils ont même une source extrêmement sommaire : ce fut le cas pour Final Fantasy Type-0, pour lequel ils n’avaient qu’une seule illustration de groupe dessinée par Tetsuya Nomura, image qu’ils ont décortiquée pour créer les modèles 3D de tous les personnages jouables. Comme la qualité des cinématiques de Visual Works est encore supérieure à celles des graphismes en temps réel, leur travail minutieux est le plus souvent repris par la suite pour la création des modèles in-game des personnages. Et, naturellement, les images promotionnelles sont également produites par le studio, pour que le résultat soit le plus abouti possible.

Il peut également arriver que les développeurs ne fournissent absolument aucune illustration conceptuelle, auquel cas c’est aux graphistes de Visual Works d’effectuer leur propre travail de recherche. Dans le cas de la cinématique inédite de Type-0 HD, ils ont acheté une réplique d’armure médiévale japonaise qu’ils ont mis en pièce pour analyser chacun de ses détails afin de les restituer au mieux en 3D. Avant de finaliser un modèle, ils lui font passer un dernier test pour s’assurer que le résultat ait l’air bien sous tous les contures : ils le font pivoter à 360° pour l’observer sous chaque angle et font de même en faisant tourner une source de lumière autour de lui.

Squelettage du visage
Le squelettage (ou rigging) est la technique qui permet de reproduire les mouvements du corps et des muscles d’un personnage en créant un véritable « squelette » sous-jacent dans le modèle 3D. Ce procédé est particulièrement crucial pour recréer les expressions faciales, et les animateurs de Visual Works font extrêmement attention à la crédibilité et au réalisme du résultat. Kazuyuki Ikumori remarque que ce travail est d’autant plus important dans le cas de Final Fantasy, dont les protagonistes ont un physique attirant. Pour que le panel d’expressions soit le plus diversifié possible, ils utilisent deux voire trois couches de squelette. Ils ont également recours à de la capture de mouvement de visage : des marqueurs placés sur la tête d’un modèle sont imités en temps réel par le personnage en 3D.

Squelettage du corps
Le corps entier du personnage bénéficie également de son propre squelette afin de paramétrer les déformations des membres. Pour cela, Visual Works utilise des logiciels conçus en interne par ses ingénieurs, et les animateurs partagent leurs données avec les développeurs du jeu pour éviter de faire deux fois le même travail. Certaines parties du corps bénéficient d’un soin particulier lors du squelettage, ainsi que d’autres éléments tels que les costumes. Cela leur permet de les faire se déployer ou se rétracter de manière réaliste. Enfin, le squelettage s’applique aussi aux monstres, mais comme ceux-ci ont souvent des corps aux formes étranges, les créateurs disposent d’une interface leur permettant de visualiser leurs animations dès l’étape de la mise en scène.

Décors et accessoires
Pour ce qui est des décors, le concept est le plus souvent défini lors de la phase de mise en scène. Visual Works travaille là aussi à partir d’illustrations conceptuelles quand il y en a, et ils reçoivent même parfois des propositions pour les accessoires. Mais ils doivent régulièrement en créer de nouveaux pour que les environnements semblent plus fournis. Dans d’autres situations, ils visitent directement des lieux réels et prennent des photos afin d’avoir le plus de sources possible. Dans le cas de la nouvelle cinématique de Final Fantasy Type-0 HD, ils n’ont pas eu à aller loin, car la scène se déroule dans un temple d’inspiration japonaise. Pour les lieux s’inspirant de l’étranger, leur budget n’étant pas illimité, ils se basent plutôt sur des guides de voyage, entre autres sources. Le katana que l’on voit dans la vidéo est lui aussi basé sur les photos d’un véritable sabre.

Logiciels
L’équipe utilise une large gamme de logiciels issus d’éditeurs tiers, et elle semble tout à fait satisfaite de la plupart d’entre eux : Kazuyuki Ikumori cite par exemple Marvelous Designer, un outil spécialisé dans la représentation des vêtements. Mais si les logiciels tiers disponibles ne répondent pas aux besoins de Visual Works, l’équipe de recherche et développement (qui compte environ dix ingénieurs) en crée un nouveau ou personnalise elle-même ceux qui sont déjà à sa disposition. Elle a par exemple mis au point un outil de shaders pour la peau, permettant notamment de représenter la texture et la transparence de la peau exposée à une source de lumière.

Simulation
Les animateurs ont recours à la simulation par logiciel pour générer les mouvements réalistes des éléments souples, tels que les tissus, les cheveux ou la fourrure des animaux. Selon la situation (présence de vent, effet de la gravité, etc.), ils font différents essais jusqu’à trouver l’animation qui les satisfait le plus. Dans certaines scènes, ils doivent néanmoins adapter la simulation pour des raisons esthétiques, au risque que cela semble moins réaliste. C’est par exemple ce qui arrive quand ils font en sorte que les cheveux des personnages ne se mettent pas devant leur visage quand il y a beaucoup de vent.

La simulation permet également de générer des foules, par exemple pour afficher une bataille entre deux armées. Comme une seule personne n’aurait jamais le temps ou la patience d’animer chaque personnage un par un, l’intelligence artificielle est bien plus efficace. L’animateur n’a plus besoin de se soucier que des personnages les plus visibles à la caméra. Tout ceci est le travail de l’équipe E de Visual Works.

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Effets visuels
Les dernières étapes de la conception sont l’œuvre de l’équipe B. C’est notamment elle qui prend en charge l’un des éléments les plus omniprésents des jeux de Square Enix : la magie. Là, il n’existe aucun référent dans le monde réel, et les développeurs demandent le plus souvent quelque chose qui ait simplement l’air « cool », alors c’est Visual Works qui prend les devants et imagine à quoi peuvent ressembler les effets magiques. Ces effets visuels nécessitent la création de nombreux calques : dans l’exemple pris par Kazuyuki Ikumori, la barrière de Louisoix de FFXIV, il y a 46 calques au total, dont 37 uniquement pour la barrière et l’explosion, et chaque calque dispose de son propre algorithme lié à un effet particulier. Ils pourraient tout calculer en un seul, mais le traitement des données risquerait d’être trop lourd.

Mais il ne s’agit pas seulement de cela. Ikumori souligne la grande importance accordée par Visual Works à l’approche artistique des effets visuels. Calculer l’intégralité de ceux-ci en un seul calque avec des outils de programmation très avancés serait pratique, mais ce serait ignorer tout le soin apporté à chaque détail et à l’esthétisme de ces effets. Il s’agit d’un héritage de l’époque PlayStation 1 et 2, durant laquelle Square comptait déjà des infographistes très talentueux spécialisés dans les effets spéciaux. Et c’est sans doute cette optique plus artistique qui a donné à Visual Works sa place incontournable dans l’industrie de l’imagerie de synthèse, car cette ambition a toujours accompagné l’évolution des moyens technologiques.

Éclairage et composition
L’éclairage et la composition (ou compositing) constituent l’une des dernières étapes de la conception, une étape permettant d’unir tous les objets présents à l’écran pour créer une image unique. Là encore, il serait plus facile d’avoir recours à un seul calque sur un ordinateur ultrapuissant, mais Visual Works préfère utiliser plusieurs calques afin de pouvoir retoucher les détails de chaque objet plus rapidement et d’alléger le traitement des données. Pour créer l’éclairage des scènes, les graphistes utilisent de nombreuses référents réels afin d’étudier le rendu des surfaces selon les différentes sources de lumière et les couleurs des objets éclairés. Ils organisent parfois des excursions pour prendre des photographies à la lumière du jour, et sont même invités à profiter de leurs vacances à l’étranger pour prendre des photos qui viennent s’ajouter à la documentation à la disposition de l’équipe.

Le traitement de l’éclairage fait l’objet de nombreuses analyses, par exemple pour vérifier son effet sur les modèles des personnages. Le travail sur la couleur est également très complet. Visual Works utilise par exemple un « color script », une frise reprenant la chronologie de la vidéo, révélant en une seule image les différences de tonalité de chaque scène. Le plus tôt possible dans le processus, l’équipe finalise des « master shots », des captures d’écran des scènes les plus emblématiques, qui servent de base pour le réglage des couleurs et de l’éclairage de toutes les autres images de la cinématique. Ces captures sont garantes du niveau de qualité qu’ils souhaitent obtenir. Pour respecter la palette de couleur définie à l’origine, ils tentent de restituer les bonnes couleurs le plus tôt possible, même lorsque les paramètres ne sont pas finalisés, afin de garantir la cohérence de la vidéo. Il peut en effet arriver qu’un membre de l’équipe quitte le projet en cours, alors il est important que cela n’affecte pas le résultat.

Rendu
La toute dernière étape est celle du rendu. Visual Works a mis en place une structure permettant de ne pas perdre trop de temps lors de cette étape habituellement très longue : la vision partagée entre toutes les personnes impliquées dans le projet depuis le départ et la présence d’un objectif clairement défini permet d’obtenir un résultat dont la qualité soit constante. Ils assemblent alors l’intégralité des couches pour créer une version temporaire leur permettant de vérifier si tout fonctionne bien, puis lancent le rendu définitif. Depuis peu, ils utilisent également un procédé nommé le color spacing pour éviter que les couleurs ne s’estompent lors du rendu.

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Les valeurs de Visual Works
Comme déjà évoqué un peu plus haut, la principale valeur de Visual Works est de ne jamais dissocier la technologie de l’art, ce que Kazuyuki Ikumori attribue volontiers à son approche japonaise de l’imagerie de synthèse. Son objectif est d’utiliser les meilleurs outils à leur disposition et de s’adapter aux changements apportés par leur évolution pour concrétiser une ambition artistique. Se concentrer exclusivement sur l’amélioration des ordinateurs et des logiciels, ou sur la simulation de tous les paramètres, peut donner un résultat se rapprochant toujours plus du photoréalisme, mais sans valeur ajoutée. Visual Works se refuse à suivre cette optique : ils veulent certes créer des images réalistes, mais avant tout crédibles et pleines de vie, ce qui signifie qu’ils doivent toujours garder à l’esprit l’importance de la mise en scène et de l’esthétisme. Cette approche est d’autant plus importante avec Final Fantasy, car cette série leur demande de représenter des éléments fantastiques d’une manière vraisemblable.

Kazuyuki Ikumori souligne également que bien qu’il possède lui-même une vision précise de ce qu’il veut obtenir, il garde l’esprit ouvert, et c’est bien la teneur du message qu’il a voulu faire passer aux étudiants venus l’écouter. Il leur a en effet conseillé de cultiver leur propre vision et de savoir très exactement ce qu’ils veulent faire, mais de ne pas faire preuve d’un excès de confiance pour autant, car il faut toujours savoir s’intéresser aux idées neuves. Pour lui, il ne faut jamais hésiter à prendre du recul pendant la conception d’un projet pour vérifier si on se dirige dans la bonne direction et si on dispose de tous les éléments possibles à disposition pour concrétiser sa vision.

En guise de conclusion à sa master class, Kazuyuki Ikumori a présenté une vidéo montrant l’une des toutes dernières créations de Visual Works : la cinématique inédite de Final Fantasy Type-0 HD, une scène d’environ 1 minute 30 conçue à partir des idées préparatoires d’un hypothétique Type-1. La cinématique est suivie d’un making-of illustrant quelques-unes des étapes de conception détaillée lors de la présentation. Il peut donc s’agir d’un spoiler si vous n’avez pas terminé Type-0. Vous pouvez regarder la vidéo ci-dessous.

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