Réactions : la tentation occidentale

Dans mon éditorial La tentation occidentale, je revenais sur le développement avorté de ce qui serait devenu le premier Final Fantasy conçu par des Occidentaux, le projet Fortress. Toujours avec un peu de retard, je publie aujourd’hui les réactions de certains lecteurs de FFWorld sur ce sujet. Envie de réagir ? C’est toujours possible.

En ce qui me concerne, j’ai peut-être un peu évolué sur la question. Il est vrai qu’un Final Fantasy prenant la forme d’un RPG occidental brut de décoffrage, cela n’a rien de bien excitant. Mais loin de moi l’idée de rejeter les idées fraîches que peuvent avoir les créateurs européens ou américains, nous avons précisément pu les constater chez les productions Eidos de Square Enix. J’avais été épaté par la direction suivie par Deus Ex: Human Revolution notamment, en particulier les visuels. C’est juste ce Fortress qui ne m’inspirait pas grand-chose : FF n’est pas Skyrim et vice versa. Comme pour l’éditorial, ces réactions sont accompagnées d’illustrations conceptuelles de Fortress.

Passons à la première réaction, qui pèse le pour et le contre entre une possible tendance à l’occidentalisation des Final Fantasy dans leur pays natal déjà, et l’idée que les jeux soient réellement développés en dehors du Japon. Je partage la conclusion.

Je veux pouvoir voir cette différence entre un jeu japonais et un jeu occidental. Je pense que cette différence reste une force qu’ont les Japonais. Après, plutôt que de laisser la production à un studio occidental, je préférerais voir la production par un studio japonais avec l’aide d’Occidentaux avertis. Ce que je veux dire, c’est que les Japonais ressentent l’envie de faire de l’argent, comme les grosses licences occidentales actuelles, mais qu’ils s’y prennent mal. Je pense que Final Fantasy XIII a été créé pour essayer de toucher un public assez réticent au modèle du RPG nippon. C’est un moins bon Final Fantasy à mes yeux.

C’est là où l’idée d’avoir une aide occidentale dans les studios japonais pourrait permettre de garder l’esprit japonais des Final Fantasy au lieu de jeter des choses bonnes à garder en pensant s’occidentaliser, et avoir un jeu pouvant toucher un public plus large sans perdre soi-même sa clientèle. Parce que c’est aussi ça le but : plaire aux autres en plus de continuer à plaire aux fans. Si Square veut faire des jeux orientés vers l’Occident, qu’ils le fassent avec une nouvelle licence et pas avec Final Fantasy.
– Kevin

Cette deuxième réaction me semble revenir davantage sur l’éditorial Une idée de Final Fantasy que sur celui qui nous concerne ici, mais cela reste pertinent. C’est une réflexion dans laquelle je me retrouve en partie, car si je ne veux pas non plus refuser à la série ses points de repère, l’équipe de FFXIV a selon moi bien tort de se laisser autant aller aux clins d’œil.

Je dois avouer que je ne saurais donner une idée précise de Final Fantasy, mais ce que je retiens à chaque épisode, ce sont les personnages, le scénario, les graphismes, la direction artistique et la bande originale. Autant dire : presque tout, mais il y a un niveau de qualité que je ne retrouve pas toujours dans d’autres RPG. J’aime beaucoup retrouver des références d’un FF à un autre, comme les chocobos, la fanfare, etc. Même si je ne dis pas que c’est ce qui fait un bon FF, je tiens à rappeler que ce sont les créateurs qui en ont fait des ingrédients récurrents, d’où mon attente de les retrouver dans les futurs épisodes.

Après, l’idée de retrouver le Gold Saucer, la Tour de Cristal et je ne sais combien d’autres lieux dans FFXIV m’inquiète un peu car, comme vous l’avez bien dit, jouer la carte de la nostalgie peut être néfaste à l’esprit de FF qui, selon moi, évolue toujours en balayant les systèmes de jeu et les univers des opus précédents. La formule « FF est une ligne constamment brisée » résume le mieux à mon goût l’esprit de la série, et ce sont les ingrédients récurrents qui permettent de retrouver des repères dans un nouvel épisode, même si leur place ne doit pas être capitale dans le scénario. J’insiste là-dessus car je ne veux pas passer pour un fan idiot qui résume FF à : « S’il n’y a pas de chocobos, ce n’est pas un FF« .

L’idée d’un FF développé par un studio occidental m’inquiète un peu. FF est avant tout une série venue du Japon et c’est en restant là-bas qu’elle conservera cette formule si indéfinissable qui a fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Je m’inquiète juste des agissements de Square Enix ces dernières années et j’espère que les FF futurs n’en pâtiront pas. Le projet Fabula Nova Crystallis qui m’enthousiasmait au départ me dépite aujourd’hui : on a eu FFXIII, Versus est porté disparu et Agito a changé de plateforme pour mieux nous faire baver… avant de rester au Japon. FFXIII-2 me paraît bricolé en comparaison du XIII qui était en béton armé. J’attends Lightning Returns, mais je dois avouer que c’est avec peu d’enthousiasme comparé aux épisodes classiques.

Je me suis lassé de l’univers et des personnages du XIII que j’adore toujours dans le premier épisode, dont la linéarité ne m’a pas gêné outre mesure. Je serais mille fois plus impatient si on annonçait un FFXV et que la série continuait d’avancer.
– Antoine

Pour le commentaire suivant, l’idée qu’un épisode soit développé en dehors du Japon est tout à fait recevable, mais peut-être pas pour un numéroté, histoire de ne pas trop brusquer les fans. Après tout, pourquoi pas ?

Les différences entre RPG occidental et RPG japonais sont à la fois importantes et infimes. Si un Final Fantasy était proposé à une équipe occidentale, on pourrait s’attendre à ce qu’ils essaient de se détacher de ce qui a déjà été fait. Finalement, une approche plus sérieuse et occidentale ne serait pas un mal. Peut-être faudrait-il commencer de façon peu ambitieuse, avec un projet non numéroté mais s’inscrivant dans un tout, commeType-0 dans la saga Fabula Nova Crystallis. Le jeu échapperait à une trop grande controverse et pourrait permettre aux développeurs une sorte de remise en question. Le but n’est pas de leur reprocher leur travail à mon sens déjà extraordinaire, mais de leur permettre de s’ouvrir à de nouvelles idées.

Confié aux bonnes personnes, ce projet pourrait même être un franc succès, à l’instar de Castlevania: Lords of Shadow, produit par un petit studio espagnol. Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, le résultat est bluffant. C’est un excellent jeu : gameplay, difficulté, graphismes, ambiance, son, tout y est. Le charme n’est pas celui d’un Castlevania nippon, mais le jeu reste très bon. J’admets moi-même avoir redouté cet opus, mais aujourd’hui je suis conquise. J’aurais certainement peur qu’un Final Fantasy XV ou XVI soit produit par un studio occidental et que la magie soit trop différente de mes attentes. Mais un épisode tel que Type-0 ou le très attendu Versus XIII développé hors de l’archipel serait, à mon avis, une bouffée d’air frais dans l’univers de Final Fantasy.

Les développeurs ont réussi à faire quelque chose de « pas si japonais » et pourtant magnifique avec Kingdom Hearts, alors pourquoi ne pas laisser leur chance aux Occidentaux ?
– Hélène

Et on termine (encore une fois) avec Simon qui souligne ce que j’avais tenté d’expliquer dans mon éditorial, même si je n’osais pas trop aller aussi loin dans mes conclusions. Néanmoins, il me semble clair que les Japonais ont plus de facilités à imaginer des univers extravagants ; cela peut toutefois être un mal comme un bien…

Ce qui fait un Final Fantasy, c’est justement le fait qu’il soit typiquement influencé par l’esprit japonais ! Ils sont capables d’inventer toutes sortes d’univers nouveaux ou, au contraire, de renouveler la richesse d’univers existants (le Moyen-Age ou la science-fiction, par exemple), avec leur propre patte artistique et leurs idées, mixées à la sauce manga et J-pop ! En Occident, je ne crois pas qu’on sache créer ce genre de jeu. On ne sait pas vraiment prendre de recul lorsqu’on a un univers en tête. On se lance dedans corps et âme, c’est vrai, mais il manquera probablement une petite touche de… folie ?

Je ne serais pas contre un FF créé en Occident, avec de nouvelles techniques et technologies, tant qu’il y a des Japonais aux postes clé pour les idées ! Tout ce que je souhaite, c’est que FF ne devienne pas un RPG purement occidental, du type Elder Scrolls ou Neverwinter Nights. Nous avons tendance à rendre les jeux trop sombres, ici. Ils manquent de poésie et de magie. Le résultat dans Deus Ex HR et le nouveau Tomb Raider me semblent très réussis. Je n’ai pourtant jamais joué à aucun autre jeu de ces séries, mais je crois que la magie Square Enix a fait son effet, mine de rien. Si FF occidental il y avait un jour, je ne le bouderais pas pour autant. Le résultat serait sûrement moins riche en sensations. Des sueurs froides peut-être, mais des larmes et des sourires, certainement moins !
– Simon

Tout ça pour dire, une fois encore, qu’il n’y a selon toute vraisemblance aucun Final Fantasy en cours de développement dans des studios occidentaux. Cela ne veut pas dire ce que ça n’arrivera pas un jour, car il ne faut jamais dire jamais.