Test : Lightning Returns Final Fantasy XIII

Comment mettre fin à une trilogie qui a autant divisé les joueurs ? À plus d’un titre, Lightning Returns: Final Fantasy XIII est un jeu défiant la logique, tant beaucoup semblaient vouloir enterrer le treizième épisode dès sa sortie, et tant Square Enix a poussé le vice jusqu’à en faire deux suites, dans un climat de défiance sans précédent dans l’histoire de la série. Dans de telles conditions, le jeu qui en découle ne peut pas être l’apothéose idéale d’une saga. Pour exister, il est contraint à faire des sacrifices. Mais finalement, en se trouvant dos au mur, peut-être ce jeu a-t-il eu une occasion idéale de tester des choses nouvelles.

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Lors de sa campagne de communication désastreuse que l’on préfère désormais oublier, Square Enix a omis a peu près tout ce qui fait la nature réelle de Lightning Returns. Le dernier épisode de la trilogie FFXIII se déroule dans un environnement entièrement nouveau en monde ouvert, les quatre continents de Nova Chrysalia, et le game designer Yûji Abe a profité de ce bac à sable pour expérimenter une nouvelle façon de jouer, basée principalement sur l’organisation de ses journées. L’heure tourne en permanence, les jours passent jusqu’à une fin du monde certaine, et le monde change en conséquence au fur et à mesure. Ainsi, au premier abord, Lightning Returns peut donner un sentiment de stress. Le risque de connaître une première partie laborieuse est bien là, tant à force de chercher le rythme idéal, on économise beaucoup trop de temps… pour se retrouver avec des jours entiers à tuer à la toute fin. Le mode facile, conseillé pour la première fois, permet heureusement d’apprécier le jeu sans pression car la contrainte du temps y pèse peu.

À la base de tout le jeu, il y a les quêtes à remplir, et même les combats normaux sont étonnamment mis en retrait ; ils deviennent presque inutiles au fur et à mesure des nouvelles parties. Car c’est bien en remplissant les 160 missions principales et quêtes secondaires que Lightning, unique héroïne jouable de cet épisode, peut améliorer ses statistiques. Du fait de leur nombre immense, l’aventure consiste avant tout en un grand voyage entre les quatre continents pour parler aux bons personnages, trouver le bon objet, éliminer le bon ennemi, et en ce sens, le jeu est une vraie réussite car les activités sont très variées et font voir du pays. En explorant les vastes décors, on déniche une nouvelle quête, on trouve un objet qui sera utile ultérieurement, on repère un lieu où il faudra revenir à une autre heure pour remplir une quête en cours… Mais la conséquence attendue de ce monde ouvert est une présence rétrécie de l’histoire principale, qui souffre d’un traitement décevant ou mal amené de certaines retrouvailles avec les personnages des précédents épisodes.

Le potentiel de l’histoire est heureusement rattrapé par la conclusion du jeu, illustrant la fameuse fin du monde promise depuis le départ. Après une aventure faite de quêtes et d’exploration, Lightning Returns revêt dans son ultime chapitre sa pleine dimension mythologique et procure un final magnifique, somptueux visuellement, et accompagné d’un habillage musical parmi les plus subtils de la série ; entre autres merveilles, le morceau « A New World » de Masashi Hamauzu est un trésor de douceur et d’orchestration. Le tout se clôture par une longue cinématique aussi spectaculaire qu’inattendue. En se moquant bien des conventions, elle laisse triompher la beauté de l’imagination, et d’une épopée qui se conclut. Lightning Returns est tout naturellement destiné à ceux qui ont déjà aimé le reste de la saga FFXIII, tant il prolonge son atmosphère et mène chaque intrigue à son terme, mais c’est dans ces derniers instants que le sentiment d’appartenance à la fresque ouverte par ses deux prédécesseurs est le plus grand.

Curieusement, et bien qu’il soit effectivement en apparence taillé pour les fans de Lightning, le jeu porte de nouvelles idées qui ont certainement de quoi intéresser tout joueur. Notamment, le potentiel de personnalisation absolument immense conféré par le système de costumes et par celui d’amélioration des pièces d’équipement permet de se créer une guerrière sur mesure ; nul besoin d’utiliser les dizaines de costumes de la garde-robe, il suffit de trouver ses trois préférés et de les exploiter au mieux. Dommage que cela force néanmoins à naviguer entre les limites du bon goût, tant certaines tenues sont grossières ou hors de propos, et dénotent avec l’univers plus sérieux et posé de FFXIII. Le comble revient naturellement aux différents costumes empruntés à d’autres jeux. Mais contrairement à ce que Square Enix a voulu nous faire croire, ils ne sont qu’anecdotiques.

Le système de combat, excellent alliage entre action pure et Active Time Battle traditionnel, est ainsi d’autant plus riche qu’il bénéficie directement de ces possibilités de personnalisation. Libre au joueur de choisir sa spécialisation et ses compétences, et au plus haut niveau, Lightning devient une bête de combat impressionnante donnant lieu à des face-à-face haletants. Trouver l’enchaînement approprié des bonnes compétences entraîne des moments intenses, le summum du sentiment d’accomplissement revenant à l’utilisation des techniques de défense. Une mécanique intéressante et inédite est celle des « derniers spécimens », qui permet d’exterminer totalement une espèce de monstres à condition d’en occire le tout dernier représentant, dont la particularité est d’être extrêmement puissant. Le jeu est réellement inventif et crée des défis d’autant plus stimulants que, malgré la limite ultime des 13 jours (auquel un 14e vient s’ajouter sous certaines conditions), il propose l’une des meilleures rejouabilités de la série.

Mais voilà, il a bien été question de sacrifice quelque part, et sur l’architecture inventive et dynamique de Lightning Returns a été posée une technique bâclée. Défiant toute logique, ce dernier épisode est le moins abouti des trois en termes graphiques, résultat évident de son développement dans l’urgence et avec un effectif réduit. Malgré la direction artistique toujours riche en idées d’Isamu Kamikokuryô, qui réussit par sa force inhérente à donner au jeu son ambiance crépusculaire, le strict minimum a été accompli sur les choses malheureusement les moins essentielles : les textures sont plates, baveuses et collées à la va-vite, on peut presque compter les pixels sur les accessoires de décor, et la fluidité générale des graphismes est souffreteuse. Cela fait peine à voir dans certains endroits, dans les ruelles désespérément lisses de la ville de Luxerion notamment. Même si le jeu reste dans l’ensemble joli (il y a de magnifiques panoramas), l’aspect fonctionnel de la carte et la facilité de la navigation dans les décors ont clairement été privilégiés sur le reste.

La négligence dont les graphismes ont fait l’objet est d’autant plus triste que la bande originale est fidèle au degré de qualité des deux épisodes précédents : exceptionnel. La musique de Lightning Returns est presque trop généreuse ! Entre les nombreuses compositions nouvelles et les morceaux repris de FFXIII et XIII-2, certaines pistes pourtant remarquables ne font que des apparitions éclair, et la contrainte du temps ne permet pas toujours de s’attarder pour les apprécier. Qu’à cela ne tienne, les trois compositeurs ont une nouvelle fois montré toute la mesure de leur talent, et après Masashi Hamauzu sur FFXIII et Naoshi Mizuta sur FFXIII-2, c’est Mitsuto Suzuki qui tire particulièrement son épingle du jeu sur ce volet final : ses musiques des Dunes de la mort et de Yusnaan ont une délicieuse saveur exotique, le thème de l’Arche déborde de lumière et de douceur, et… son thème de combat final, sorte de cacophonie mystico-spatiale bouillonnante de treize minutes, est sans conteste le plus dingue de toute la série. Cerise sur le gâteau, le jeu ne s’achève pas sur une chanson mielleuse, mais sur deux époustouflantes orchestrations de dix minutes chacune.

Inventif, prenant et généreux, Lightning Returns: Final Fantasy XIII aurait pu être un épisode pleinement remarquable s’il ne souffrait pas d’une finition décevante. Mais cette situation sème un doute étrange : s’il lui avait été consacré plus de temps et de moyens, aurait-il forcément été plus intéressant ? Car en étant le résultat d’une formule économique, il propose en réalité un monde ouvert assez compact dans lequel la facilité de déplacement et la quantité de quêtes à remplir donnent toujours des choses à faire. Dernier épisode d’une trilogie certes polémique, Lightning Returns est pourtant d’une étonnante fraîcheur et mérite l’attention de tous les curieux.