« Square Enix prévoit d’autres remakes comme Final Fantasy VII », claironnait la semaine dernière le site Gameblog, reprenant ainsi les titres de quelques autres sites de jeu vidéo anglophones. L’information pouvait sembler crédible, maintenant que le fameux remake de FFVII est effectivement sur les rails. Seulement voilà : elle était fausse.
Leur source était pourtant la même : le rapport annuel 2015 de Square Enix, document tout ce qu’il y a de plus officiel de l’éditeur, qu’il est possible de consulter librement sur Internet en japonais ou en anglais. Dans son message d’introduction, le PDG Yôsuke Matsuda rappelle les quatre axes actuels de sa politique, dont le premier est « la réactivation des licences existantes ». Dans la version anglaise du texte, qui est une traduction du japonais, on peut lire les deux phrases suivantes sur ce sujet :
« We will revitalize some of our strong IPs in ways that meet the needs of the modern gaming market. For example, we will take an IP developed for earlier generations of game consoles and recreate it for the latest consoles, while also proactively developing versions for play on smart devices. »
Aïe. C’est donc bien ce mot, « recreate », recréer, qui a motivé ces rédacteurs à annoncer sans prendre aucune pincette l’arrivée prochaine de nouveaux remakes. On est bien obligé d’admettre qu’ils ont été trompés par le choix du traducteur, choix qui n’était clairement pas le plus judicieux car, en réalité, le texte japonais d’origine ne mentionne de remakes à aucun moment. Yôsuke Matsuda explique en fait qu’il souhaite valoriser le patrimoine de sa société en puisant dans ses séries historiques pour créer des titres entièrement nouveaux, conçus selon les normes actuelles de l’industrie du jeu vidéo. Il se permet d’ailleurs de préciser que cela couvrira autant des productions sur consoles de salon que sur appareils tactiles. Une sorte de nous ne sommes pas Konami.
Dans le texte japonais, le mot « recreate » est « saigen suru », qui signifie « faire revivre ». Pris en tant que tel, il donne bien l’idée d’une résurrection, mais dans ce contexte, Matsuda signifie simplement qu’il veut réactiver des licences qui ont pu rester dans l’ombre de Final Fantasy et Dragon Quest.
Il ne faut d’ailleurs pas aller bien loin pour comprendre que Square Enix a d’ores et déjà lancé ce programme : le cinquième épisode de Star Ocean est prévu dans les prochains mois sur PS4, le premier SaGa original depuis plus de dix ans arrivera sur PS Vita l’an prochain, le deuxième Nier est en développement chez PlatinumGames, le producteur de la série Mana évoque sans ambiguïté l’arrivée probable d’un cinquième Seiken Densetsu sur consoles, et une rumeur sur un site plutôt bien renseigné parle même d’un possible nouveau Front Mission.
Alors si on peut accorder aux sites d’information que leur source est trompeuse, on ne peut que critiquer leur manque total de recul et de discernement, tant ils sont agrippés à l’idée que de toute façon, Square Enix ne se privera sans doute pas de faire d’autres remakes et portages. Aucun scrupule, aucune interrogation sur la démarche récente de Square Enix. « En avant les remakes », se permet même Polygon en sous-titre, et Gameblog propose à ses lecteurs de désigner leurs candidats préférés pour un futur remake. Le tout à grand renfort de captures d’écran de Cloud version 2015. Il est sûrement vrai que l’éditeur produira d’autres remakes ou portages à l’avenir (même si on peut difficilement imaginer chantier plus massif que celui de FFVII) et il faudra subir chacun d’entre eux comme autant d’actes de sécurité de sa part.
Mais le fait est que ces sites occultent totalement le véritable message que Yôsuke Matsuda veut véhiculer, et qui est plutôt encourageant. Nous sommes donc face à de la joyeuse désinformation, qui confortera dans leur opinion tous ceux qui voient en Square Enix une machine à portages faciles, alors que l’éditeur n’avait pas autant semblé tourné vers l’avenir depuis bien longtemps. Les mêmes sites ricaneront des errements de la communication autour de Final Fantasy XV, et ignoreront en parallèle le fait que l’équipe de développement de Hajime Tabata concentre un nombre impressionnant de graphistes et d’ingénieurs internationaux aux CV de rêve, qui sont en train non seulement de préparer le FF le plus abouti en termes de technologie, mais aussi de semer les graines de futurs projets tout aussi ambitieux.
Non, monsieur, désolé. Pas assez racoleur.