Yûsuke Naora et l’évolution visuelle de Final Fantasy

Depuis longtemps déjà, la série Final Fantasy accorde une importance particulière à son ambition artistique, faisant de chaque nouvel épisode une œuvre esthétique aboutie repoussant les limites techniques des consoles de jeu.

Pour concrétiser cette ambition, Square a peu à peu intégré des illustrateurs de talent et constitué une équipe de professionnels de la direction artistique. Le 26 février dernier, c’est l’un des artistes les plus importants de l’histoire de Final Fantasy qui a pris la parole à la Southern Methodist University de Dallas, devant des élèves du programme Guildhall consacré à la création de jeux vidéo. Lors d’une master class intitulée « l’évolution visuelle de Final Fantasy », Yûsuke Naora a présenté la progression de son travail depuis l’époque de la SNES jusqu’à la génération de consoles actuelle.

Vous pouvez regarder l’intégralité de la master class sur ce lien (en anglais), tout particulièrement pour assister à la naissance d’un dessin en temps réel à la fin, mais je vous propose également un compte rendu de tout ce qui a été dit et présenté en images ci-dessous.

Sommaire
Qui est Yûsuke Naora ?
Aux origines, des pixels à la 3D
Les différents rôles des artistes
Le travail des artistes à notre époque
Un aperçu de l’avenir : Final Fantasy XV
Une réorganisation de l’équipe artistique
Exemple de tâches : l’atelier de création des monstres
Naissance d’une œuvre en temps réel

Qui est Yûsuke Naora ?

Il a commencé sa carrière en travaillant en tant que graphiste dans une autre société. Il ne l’a pas mentionnée, mais il s’agissait du développeur de jeux d’arcade Toaplan, disparu depuis. Il l’avait néanmoins quitté car son rêve était de devenir musicien. De petits boulots en petits boulots, mais avec à peine de quoi manger, il décida finalement de chercher à nouveau du travail dans le jeu vidéo, en se concentrant sur les sociétés qui manifestaient déjà un intérêt certain dans la chose artistique et qui proposaient de bons salaires. Tout cela l’a donc conduit à envoyer sa candidature chez Square, où il a été recruté en 1993.

Il a débuté en tant que concepteur des graphismes des environnements de Final Fantasy VI avant d’occuper le poste de directeur artistique sur les épisodes VII, VIII et X. Il a ensuite supervisé la création des images de synthèse promotionnelles des personnages de FFXI. Ayant participé à la conception deFFVII, Naora a été invité à apporter son soutien aux différents projets de la compilation initiée plus tard autour de cet épisode : directeur artistique de Before Crisis sur mobile et surtout d’Advent Children, il a aussi supervisé le travail des illustrateurs de Dirge of Cerberus et Crisis Core. Enfin, il a été le directeur artistique de Final Fantasy Type-0 depuis ses débuts sous le nom Final Fantasy Agito XIII, jusqu’à la conception de la version HD. Il est actuellement au travail sur Final Fantasy XV.

En dehors de Final Fantasy, Yûsuke Naora a participé aux graphismes des décors de Chrono Trigger, assuré la direction artistique d’Unlimited SaGa et Romancing SaGa: Minstrel Song, supervisé la partie visuelle de The Bouncer et The Last Remnant, et conçu le design des personnages d’une multitude de titres, de Front Mission 4 et 5 à la série Chaos Rings en passant par le remake de Lufia II sur DS. Il a également joué un rôle clé dans le projet de saga Code Age initié par Square Enix en 2004 : en plus de signer quelques illustrations, il a produit et participé à la création de l’histoire des deux jeux tirés de cet univers, Code Age Commanders (PS2) et Brawls (mobile).

> Retour au sommaire

Aux origines, des pixels à la 3D

Lorsque Yûsuke Naora est arrivé chez Square, l’ère était encore aux pixels. En se mettant au travail sur Final Fantasy VI, dernier épisode à être sorti sur Super Nintendo, son premier sentiment fut qu’il n’était pas nécessaire de savoir bien dessiner pour créer les visuels d’un jeu. Les graphistes travaillaient dans un environnement bien différent de maintenant : téléviseurs à tube cathodique, palette de couleurs limitée, faible capacité des consoles et des cartouches de jeu, entre autres. À ce moment-là, ceux qui s’en sortaient le mieux étaient ceux qui avaient des compétences techniques plutôt qu’artistiques. Dans la bataille permanente contre les limites de la machine, ceux qui maîtrisaient toutes les subtilités du pixel art et qui trouvaient le moyen d’économiser le plus de mémoire système étaient forcément des atouts précieux. De vrais talents sont nés de ce processus difficile.

Quand l’heure est venue de travailler sur la première PlayStation et sur ce qui allait devenir Final Fantasy VII, le bond en avant technologique a entraîné de nouveaux besoins en termes de graphismes, car les développeurs devaient concevoir un univers visuel copieux et cohérent. C’est à partir de là que Naora a commencé à penser que finalement, savoir dessiner était une nécessité. Il avait alors expliqué lui-même au président de Square de l’époque qu’il voulait créer un nouveau département entièrement consacré à la conception artistique. Au sein de ce département, les différents artistes allaient se répartir dans une multitude de sections : l’illustration, la modélisation des personnages en 3D, leur texturisation, la création des environnements en 3D, les effets visuels, l’animation, la conception des cinématiques en images de synthèse et la gestion de la sous-traitance.

Une telle organisation semble être la norme de nos jours, mais à cette époque, les nouveaux besoins en termes de développement de jeu vidéo ont forcé les créateurs à élaborer cette structure en partant de rien, et ce avec pour objectif que chaque spécialiste se trouve au bon poste et puisse exprimer toute la mesure de son talent.

> Retour au sommaire

Les différents rôles des artistes

Présenter des idées de visuels
En se basant sur son expérience avec Final Fantasy VII, VIII et X, Yûsuke Naora a expliqué comment un artiste tel que lui contribue concrètement à un projet. Dans les premières étapes de conception d’un nouveau jeu, son tout premier rôle est de proposer des idées de visuels. Pour ces épisodes, Naora créait et peaufinait ainsi des images en puisant dans sa propre imagination afin de donner une idée de ce à quoi le résultat devrait selon lui ressembler, de telle sorte que le reste de l’équipe puisse comprendre sa vision. Le plus important pour les créateurs était de se fixer des objectifs clairs, à partir desquels les autres artistes pouvaient explorer différentes idées et continuer à les travailler jusqu’à ce que la direction visuelle du projet soit suffisamment affinée pour que la phase de production débute.

Créer des illustrations
À partir de cette étape, les artistes se lançaient dans la création intensive d’illustrations. Pour que tous les départements au travail sur le projet comprennent la direction empruntée par la partie graphique du projet et cernent au mieux l’esprit et la thématique visuelle du jeu, les membres de l’équipe artistique devaient faire preuve d’une extrême minutie dans la représentation de certains détails, et leur contribution était nécessaire jusqu’à la toute fin du développement. Leur rôle était d’autant plus crucial que leur travail allait donner sa particularité au produit fini, et être un argument de vente à part entière. D’où l’importance d’être capables de dessiner suffisamment bien pour que leur vision soit restituée le plus fidèlement possible.

En parallèle du travail de création intensif de tous les détails des visuels sur des planches en noir et blanc, certaines illustrations se démarquaient par un travail plus axé sur les couleurs afin de représenter l’ambiance que le jeu est censé montrer. Plus proches de l’idée que l’on se fait de la direction artistique en tant que telle, ces illustrations étaient avant tout destinées à évoquer l’atmosphère des lieux que l’on explore ou des scènes marquantes. Ici, les artistes commencent par dessiner les grandes lignes, puis définissent séparément les couleurs qui composent l’image. Une fois le dessin colorisé, ils ajoutent les ombres et quelques effets fantastiques pour souligner l’aspect « fantasy » propre à la série. Il arrivait même que cette étape leur donne des idées de graphismes pour renforcer la crédibilité au résultat.

Participer à la création des cinématiques
FFVII a également marqué l’apparition des cinématiques en images de synthèse, qui ont permis aux artistes d’exprimer plus précisément l’écoulement du temps dans le jeu et de déplacer la caméra lors de certaines scènes. La représentation des décors a été grandement affectée par cette avancée technologique. L’équipe était si enthousiaste en découvrant ces nouvelles possibilités qu’elle a parfois poussé très loin le souci du détail : en prenant l’exemple de FFVII, Naora a expliqué que certains effets visuels étaient en réalité dessinés à la main, par exemple les explosions que l’on peut voir au début de l’aventure ! Une frénésie que Naora attribue aujourd’hui bien volontiers au fait qu’ils étaient encore jeunes et énergiques. Ils faisaient de nombreux essais pour relever les nouveaux défis qui se présentaient à eux.

Créer les images promotionnelles
Vers la fin du projet, lorsqu’il ne restait plus beaucoup de travail à faire, l’équipe artistique se tournait vers la préparation des illustrations promotionnelles. Le jeu étant quasiment finalisé, les artistes pouvaient choisir dans l’histoire les thématiques qu’ils voulaient souligner avant tout. Une fois les idées mises à plat sous forme de dessin et les couleurs posées, ils confiaient leurs images au département des images de synthèse pour qu’ils préparent les versions finales à partir des graphismes en 3D utilisés pour le jeu. Cette étape était importante car, le produit final n’étant pas encore disponible, les concepteurs devaient réfléchir à l’image qu’ils voulaient renvoyer aux joueurs et aux sentiments qu’ils voulaient leur inspirer.

Créer les logos
C’est également au département artistique qu’il revenait de créer le logo d’un Final Fantasy. Ils travaillaient pour cela avec le peintre Yoshitaka Amano, naturellement, en essayant de préserver la cohérence avec le ton prédominant du jeu. Dans le cas de FFVII, la couleur verte du logo est le reflet de la palette utilisée pour représenter la ville de Midgar, par exemple. Lorsqu’il a plus tard créé le logo du film Advent Children, Naora a choisi de conserver la silhouette de celui du jeu d’origine, mais en le transformant pour qu’il représente aussi le monument construit au centre de la nouvelle ville d’Edge. Pour ce qui est de FFVIII, l’équipe de Square a demandé à Amano de s’inspirer de l’une des scènes les plus mémorables du jeu : le moment où Squall et Linoa se jettent dans les bras l’un de l’autre.

Mais l’histoire des jeux pouvait elle-même nécessiter la création d’autres logos, par exemple celui de la corporation malfaisante Shinra dans FFVII. C’est Yûsuke Naora qui a calligraphié le logo de cette société fictive, tout en soulignant que depuis, l’ex-président de Square Enix Yôichi Wada a choisi de reprendre le nom « Shinra » pour fonder une nouvelle filiale consacrée au développement d’une technologie révolutionnaire de cloud gaming. « Si nous avions su que cela arriverait un jour ! » s’est-il exclamé, précisant tout de même que le logo a été modifié pour arborer une couleur bleue plus proche des ambitions écologiques de cette société réelle.

> Retour au sommaire

Le travail des artistes à notre époque

Au moment de travailler sur Final Fantasy Type-0 HD, Yûsuke Naora s’est finalement rendu compte que savoir bien dessiner n’était plus du tout suffisant ! Avec la puissance des nouvelles consoles de jeu, le degré d’expressivité de plus en plus élevé a contraint l’équipe artistique à changer d’approche. Le jeu a d’abord été conçu sur PSP, et la mémoire système très réduite de la console limitait forcément leurs possibilités d’expression. Le porter sur PS4 et Xbox One représentait donc un nouveau défi car la technologie de rendu du jeu allait désormais être basée sur son moteur physique. Le résultat de cette évolution se constate y compris sur les images promotionnelles : en comparant Ace sur l’exemple de Naora, on peut voir plus de détails sur les épaulières, les vêtements ou la bannière en fond. La couleur clé du jeu a également changé. Sur PSP, la teinte dominante était le rouge. Lorsque les graphismes ont été revisités en HD, l’équipe artistique a voulu souligner la beauté du jeu en optant pour une palette dorée plus lumineuse.


Images promotionnelles du jeu PSP (gauche) et HD (droite)

L’imagination seule ne pouvait plus suffire à créer une expérience la plus riche possible. Pour Naora, c’est là que les expériences personnelles du créateur doivent entrer en jeu, afin de compléter ses sources d’inspiration. En guise d’exemple, il a montré quelques photographies d’une longue croisière en bateau jusqu’à une petite île isolée au large du Japon. Du tourisme ? En partie. En réalité, il avait été forcé par un de ses précédents chefs à faire ce voyage dans l’espoir que cela lui serve dans son travail. Bien vu : en plus de pêcher de gros poissons, Naora a pu puiser dans cette expérience pour imaginer par la suite l’île sur laquelle se trouve l’académie militaire des héros dans Final Fantasy Type-0. L’idée des développeurs était en effet de placer le cadre du jeu dans un environnement extrême. Sur son illustration montrant l’île au milieu de l’océan, il a même transformé les débris flottants qu’il avait pu voir autour du bateau en carcasses de machines de guerre.


L’inspiration et le résultat

L’histoire de Type-0 racontant les aventures d’un groupe d’étudiants étudiant l’art de la guerre et partant sur le champ de bataille a également encouragé les développeurs à se rendre dans une base des forces spéciales japonaises pour imaginer ce que les héros du jeu peuvent ressentir dans un tel environnement. Profitant de cette occasion, ils ont apporté une caméra afin d’étudier les possibilités de mise en scène et le ton à donner à l’image. Suivant l’impulsion donnée par le réalisateur Hajime Tabata, Naora a regardé des documentaires historiques traitant de guerres réelles et s’est plongé dans différentes sources pour compléter ses recherches sur le terrain. Bien sûr, il a ensuite fait en sorte d’ajouter des éléments plus fantastiques, la magie par exemple, pour apporter une touche d’originalité.

Cela se retrouve entre autres dans la présence des invocations, créatures surnaturelles qui aident les héros au combat. Naora a relevé l’importance de décrire la douleur des personnages pris dans les tourments de la guerre, ce qu’il a tenté de restituer dans une illustration de Machina auprès du cadavre de Bahamut. Pour cette image, il s’est inspiré d’un événement qui lui a laissé un souvenir très précis : en se promenant un jour en ville, il a vu un chat mort sur la route, entouré par ses congénères qui ne semblaient pas se soucier de ce qu’il se passait autour d’eux. Cela l’a amené à réfléchir aux liens que les élèves de l’académie entretiennent avec leurs invocations et à la manière de les représenter. Le résultat est un Final Fantasy plus rude et plus mature que ceux sur lesquels il avait pu travailler par le passé.

> Retour au sommaire

Un aperçu de l’avenir : Final Fantasy XV

Conçu à partir des mêmes outils que ceux mis en œuvre pour Type-0 HD, mais élevés à un niveau bien supérieur, Final Fantasy XV cherche à définir les limites du réalisme à partir d’un moteur de jeu basé sur la physique. Beaucoup de temps et d’énergie ont été nécessaires à l’équipe de développement pour trouver comment inscrire le jeu dans un environnement parfaitement réaliste, mais avec une touche de fantasy, de fantastique, qui n’a jamais été vue auparavant. Les visuels devaient sembler vraisemblables, ce qui signifie que l’équilibre entre réalité et surnaturel était particulièrement difficile à trouver. Pour illustrer son propos, Yûsuke Naora s’est attardé sur le travail fourni pour créer la cité d’Insomnia, qui était notamment le cadre de la bande-annonce de gameplay de l’E3 2013.

Cette zone est directement basée sur le quartier de Shinjuku à Tokyo, avec comme bâtiment central un palais impérial ressemblant fortement au siège du gouvernement métropolitain de Tokyo. L’équipe de Naora a articulé le reste des zones autour de cet immeuble imposant, en répartissant les différents quartiers selon des critères particuliers. Insomnia est divisée en trois grandes parties : le palais impérial avec sa place centrale de forme circulaire, les grandes rues publiques menant au palais, et le quartier populaire plus vivant et désordonné. Un tableau décrit l’approche stylistique et les particularités visuelles de chaque zone, puis utilise ces critères pour répartir le degré de difficulté, le budget nécessaire ou encore la main-d’œuvre à déployer sur chaque partie. L’équipe artistique a naturellement uni ses forces pour créer toutes les illustrations nécessaires à la conception de la ville.

Comme la place du palais est le seul quartier que l’on a pu voir modélisé dans le jeu pour le moment, Naora a montré une illustration détaillée de cette zone, sur laquelle on peut noter de nombreux textes descriptifs. Une cérémonie est censée se dérouler sur cette place, alors les artistes ont placé divers accessoires tels qu’un tapis rouge ou des banderoles accrochées aux réverbères. À l’époque où Naora a commencé à travailler sur FFXV, les bureaux de Square Enix étaient très proches du quartier dont s’inspire Insomnia. En allant travailler, il lui arrivait donc souvent de se balader autour des bâtiments et de prendre des photos… ce qui n’a pas été sans attirer l’attention des agents de sécurité, qui le regardaient souvent avec un air inquiet. Mais la pression ne venait pas juste de l’extérieur, car ses collègues de Square Enix pensaient également qu’il passait son temps à sortir prendre une pause !


Un exemple de peinture sur photo

Lors du processus créatif, les artistes ont collaboré de très près avec le département en charge des images de synthèse pour certains détails tels que l’éclairage des fenêtres des bâtiments ou des réverbères, tout cela afin d’atteindre le meilleur degré d’expressivité possible. Naora a même réalisé certaines illustrations en peignant sur des photographies pour voir jusqu’à quel point il était possible de se rapprocher de la réalité. Pour affiner certains détails, les illustrateurs puisent dans leur imagination, par exemple pour représenter le poste de contrôle du palais impérial, qui n’existe pas en vrai.

Vous pouvez voir les autres images conceptuelles d’Insomnia sur cette page.

> Retour au sommaire

Une réorganisation de l’équipe artistique

Contrairement à l’organisation par sections utilisée auparavant, Yûsuke Naora a transformé l’équipe d’illustrateurs sous ses ordres pour FFXV de telle sorte que la structure soit plus libre et repose non plus sur des domaines délimités, mais sur le large panel de tâches diverses et variées à remplir. Les différents artistes étant ainsi invités à la mobilité, ils peuvent essayer différentes approches sans être cantonnés à une spécialité précise. Cet environnement flexible permet d’encourager les idées et de les concrétiser plus facilement, car l’équipe reste plus facilement motivée si elle est plus libre.

Si Naora était l’unique directeur artistique de tous ses précédents projets, ils sont trois sur FFXV désormais : en plus de lui, on trouve Isamu Kamikokuryô pour les environnements et Tomohiro Hasegawa pour les ennemis. Les artistes sous leurs ordres ont travaillé sur une multitude de titres des séries Final Fantasy et Kingdom Hearts. Naora a tenu à les présenter pour que les joueurs puissent mettre des noms et des visages sur ces créateurs, et pensent ainsi à examiner avec plus d’attention le résultat de leur travail. Il est convaincu que ces illustrateurs deviendront les grands noms de FF à l’avenir, admettant même en plaisantant qu’il redoute le jour où ces jeunes talents le surpasseront.

En suivant la logique de l’expérience personnelle lui ayant servi sur Type-0, Naora a également cherché à souder l’équipe en organisant des sorties de groupe. Non seulement des artistes, mais aussi des game designers et des programmeurs sont partis faire une randonnée en montagne : pendant que certains prenaient des photos, d’autres tâtaient le danger en près en faisant de l’escalade sur des parois normalement déconseillées aux débutants. Ils ont exploré des vallées, traversé des rivières, visité un parc safari, et même fait un peu de spéléologie pour imaginer les sensations à l’intérieur des donjons du jeu. Toutes ces expériences ont permis à l’équipe de mieux cerner l’optique de road trip de FFXV.

> Retour au sommaire

Exemple de tâches : l’atelier de création des monstres

Tomohiro Hasegawa, qui a travaillé sur FFVII et VIII avant de participer à la série Kingdom Hearts, a opté pour une multitude d’approches pour donner vie aux créatures surnaturelles de FFXV. Pour le béhémoth, il a créé une sculpture du monstre afin que ses collègues comprennent le résultat qu’il voulait obtenir. Il a même été jusqu’à créer un modèle de son squelette. Cela leur a également permis de réaliser un scan en 3D qui a été directement intégré au jeu. La sculpture était apparemment saisissante de réalisme, au point de faire sursauter certains membres de l’équipe quand ils l’ont découverte. Mais Naora l’a cassée en butant dedans par accident, un événement qu’il regrette encore à ce jour. Grâce au modèle 3D extrêmement détaillé, les développeurs au travail sur l’intelligence artificielle pouvaient comprendre comment le monstre attaque ou comment ses muscles bougent, par exemple.

Autre exemple : l’invocation Léviathan. Pour celle-ci, Hasegawa est allé acheter un poisson au marché de Tsukiji et l’équipe l’a disséquée pour analyser, par exemple, la réfraction de la lumière sur les écailles ou l’apparence des yeux. Comme il ne faisait pas partie de l’équipe en charge de cette tâche, Naora n’a pas pu examiner dans les détails ce qu’ils ont fait, mais il note chaque équipe fait tout de même en sorte de partager le résultat de ses recherches avec les autres. Il a tenu à préciser que les créateurs ont ensuite cuisiné et mangé le poisson, pour ne rien gâcher !

> Retour au sommaire

Naissance d’une œuvre en temps réel

En fin de master class, Yûsuke Naora a offert un aperçu de son processus créatif en réalisant un dessin devant les élèves présents dans la salle. Pour ce faire, il a décidé de s’inspirer d’un motif typiquement japonais car ce sujet l’a toujours intéressé : un casque kabuto. Au moment de commencer son dessin, Naora explique qu’il se demande qui avait pu le porter. Comme il s’agit d’un casque de guerre, peut-être quelqu’un qui a tué beaucoup de monde. Ayant d’abord esquissé un crâne, il se met à dessiner des cornes pour tenter de lui donner de la personnalité. Il étudie la silhouette qu’il veut leur donner sur une autre feuille mais, se rendant compte que ce croquis de cornes pourrait lui servir pour le design des armes deFFXV, il met finalement le papier de côté et se remet à dessiner le visage et le casque. Le temps est malheureusement limité et Naora se voit contraint de laisser son dessin en suspens. Par chance, il l’a terminé dès son retour au Japon.



L’illustration terminée, portant le caractère japonais « maboroshi » (illusion)

Pour finir, Naora a tenu à insister sur certains points qu’il garde toujours à l’esprit dans son travail.

– Comme sa tâche est de stimuler l’imagination des joueurs, il doit créer quelque chose qu’ils n’ont jamais vu auparavant, ce qui nécessite de produire des milliers de dessins.
– Si on se sent dépassé, il faut toujours agir pour le bien du projet. C’est un travail d’équipe, et il ne faut pas mettre ses propres manquements sur le dos des autres.
– Pour garder confiance en soi, il faut être conscient de ses limites. Travailler sans relâche peut être destructeur alors il faut savoir s’arrêter, changer d’air, et revenir à ce que l’on faisait. Par exemple, Naora est fan de la NBA, alors il regarde des matchs à la télévision pour se détendre.

> Retour au sommaire