Éditorial : pourquoi j’aime Final Fantasy

Je me pose parfois la question : pourquoi j’aime Final Fantasy ? Il est un peu tard pour s’en inquiéter, après quinze années à animer ce site, mais c’est parce que mon appréciation de la série est fréquemment mise à l’épreuve ; pas par les jeux, mais par le traitement qui leur est réservé. Depuis peu, c’est presque quotidiennement.

La réponse m’est souvent donnée par les créateurs de Final Fantasy eux-mêmes. Quand Hironobu Sakaguchi lui-même donne sa définition de la série et souligne à quel point elle est le résultat de la somme de ses talents et non de ses éléments récurrents. Quand Yoshinori Kitase rappelle que les nouveaux FF doivent se refuser à la régression. Quand Tetsuya Nomura affirme que « si vous partez du principe que « FF doit être comme ci ou comme ça », vous ne pouvez pas créer un FF », et qu’il faut avoir un esprit de défi envers la série pour y contribuer. Quand Hajime Tabata est tout à fait d’accord avec l’idée que FF ne doive pas se sentir enchaîné par les limites du genre RPG. Même le PDG Yôsuke Matsuda dit volontiers que la série est précieuse car elle se donne pour défi de toujours tenter de se dépasser. Tous détiennent un fragment de la définition de Final Fantasy, mais se rejoignent autour de cette règle tacite : ne pas avoir peur de bousculer les habitudes, ne jamais rester dans sa zone de confort. C’est risqué, mais tellement plus stimulant.

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L’esprit Final Fantasy, c’est un mélange étrange entre le respect de ses racines et l’envie de les défier ; c’est considérer à chaque fois qu’il est possible de faire mieux, et se donner les moyens d’y arriver, même si cela est périlleux. Depuis la trilogie sur PlayStation, on sent chez les créateurs de la série l’envie de se diriger vers l’expérience la plus « globale », la plus entière possible. Asseoir toujours plus la place de l’univers, même si c’est lui qui finit par dicter tout le reste. Retirer la carte du monde à l’ancienne pour passer à un monde plus crédible, plus vivant, plus imposant. Réduire voire retirer la barrière entre exploration et combats pour révéler la quintessence de l’aventure. À cause de cette attitude de défi, il est normal d’être parfois déçu du résultat, mais si je continue à aimer Final Fantasy, c’est parce que ces jeux se laissent difficilement approcher : il faut trouver la clé, l’angle d’approche qui permet de voir ce qui se cache derrière les apparences.

Mais je n’aime pas Final Fantasy seulement pour cela. J’aurais arrêté de suivre la série depuis longtemps si elle n’était pas en réalité une constellation d’univers dans lesquels on peut se plonger selon ses préférences ou selon le moment. Nul besoin de s’enfermer dans un seul épisode, et d’ailleurs, quelle tristesse ce serait de devenir le fanatique obsessionnel d’un seul univers quand il en existe tant. C’est à chaque fois un plaisir de se replonger dans un FF que l’on n’a pas fait depuis longtemps et dans lequel on a toujours quelque chose à découvrir ou redécouvrir. Final Fantasy est une série dans laquelle le fait de tomber sur un épisode que l’on n’aime pas n’est pas une fatalité, car il y en a plein d’autres, et notre avis peut même changer avec le temps (c’est naturel). Plus que jamais, nous pouvons nous réjouir d’avoir tous ces mondes à notre disposition. C’est ce constat qui me rend d’autant plus triste quand je vois que Final Fantasy VII continue à monopoliser l’actualité, près de vingt ans après sa sortie, au détriment d’autres éléments moins consensuels mais tout aussi dignes d’intérêt.

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Car s’il y a bien une chose qui m’effraie désormais, c’est la perspective qu’une fois Final Fantasy XV sorti, l’avenir de la série se résume uniquement à l’attente du remake de FFVII ; même s’il est très prometteur et fera sûrement des choix surprenants mais bienvenus. Comme il sera en plusieurs parties, il est désormais évident qu’il occupera les esprits et l’actualité pendant des années encore. Nous sortons d’une trilogie FFXIII qui a divisé les joueurs. FFXV sera certes neuf, mais issu de dix années d’attente. FFXIV a été ressuscité sous une forme sublime, mais quelques signes de lassitude se font actuellement sentir. À l’horizon 2017 ou 2018, il nous faudra plus qu’un simple remake. Il nous faudra la promesse du prochain grand Final Fantasy, du prochain grand univers à découvrir. Ce n’est pas le signe d’une impatience prématurée, car FFXV arrive et il est encore nimbé d’un délicieux mystère. C’est simplement le souhait que la nouveauté continuera à primer sur le réchauffé.

En attendant, nous sommes le 18 décembre, alors… joyeux 28e anniversaire, Final Fantasy !